Empress of Ireland
May 29, 2014
Dans les petites heures du 29 mai 1914, un brouillard impénétrable et des signaux mal interprétés sont d’un sinistre augure pour les passagers et les membres d’équipage du RMS Empress of Ireland. À ce jour, la disparition de ce transatlantique dans les eaux glaciales du fleuve Saint-Laurent demeure la tragédie maritime la plus meurtrière de l’histoire du Canada en temps de paix.
L’Empress quitte Québec l’après-midi du 28 mai avec 1 477 passagers et membres d’équipage à son bord. Cap sur Liverpool, en Angleterre, pour ce qui doit être une traversée normale, la première de la saison. Il s’agit du premier trajet du capitaine Henry George Kendall aux commandes de l’Empress, mais le paquebot a maintes fois franchi cette distance depuis sa mise à l’eau, en 1906.
Après avoir ramassé du courrier à Rimouski et débarqué le pilote, le navire est rapidement enveloppé d’un épais brouillard près de Pointe-au-Père. La malédiction pèse également sur un charbonnier norvégien, le SS Storstad, qui s’approche rapidement de l’Empress sans que personne s’en rende compte. Au moment où l’équipage de chaque navire peut à nouveau voir les feux de l’autre, il est trop tard : la collision est inévitable. Le charbonnier emboutit la coque de l’Empress et les eaux glacées du Saint-Laurent s’y engouffrent comme un torrent. Le bâtiment se couche bientôt sur son flanc, puis sombre rapidement, disparaissant sous les flots en seulement 14 minutes. Plus de 1 000 personnes périssent.
En 2012, l’une des difficultés que présentait la création des timbres sur le Titanic était l’absence d’images authentiques du transatlantique, qui a coulé lors de son premier voyage. En revanche, il existe beaucoup de photos de l’Empress. Celui-ci symbolisait l’essor de la Canadian Pacific Railway, qui a transporté un nombre incalculable d’immigrants européens grâce à ses navires et à son réseau ferroviaire. L’Empress pouvait traverser l’Atlantique en quatre jours et profitait d’une publicité massive composée de cartes postales et d’affiches. Par ailleurs, des expéditions de plongée dans les eaux relativement peu profondes du Saint-Laurent ont permis de récupérer quantité d’objets dans l’épave. Certains sont exposés dans des musées, comme le Site historique maritime de la Pointe-au-Père, d’autres appartiennent à des collectionneurs privés, qui les conservent sous haute surveillance.
Susan Scott, designer du timbre au tarif du régime international, admet que, comme c’est probablement le cas pour de nombreux Canadiens, elle n’avait jamais entendu parler de la tragédie de l’Empress, jusqu’à ce qu’on lui demande de proposer un motif. « Après avoir lu l’ouvrage de David Zeni, Forgotten Empress, j’ai commencé à approfondir certaines idées, comme le brouillard soudain, qui semble être le facteur déterminant dans l’accident. J’ai trouvé beaucoup de photos et de tableaux du navire reproduits sur des cartes postales et des prospectus de l’époque, et j’ai longé le fleuve en voiture pour m’imprégner de l’endroit, étudier la proportion de l’eau et du ciel. »
Selon Isabelle Toussaint, qui a conçu la figurine au tarif du régime intérieur, le drame de l’Empress s’est perdu dans l’histoire – même l’histoire locale. « J’étais étonnée d’apprendre que ce majestueux navire gisait au fond du Saint-Laurent à environ 300 kilomètres de Québec, ma ville natale. »
Pour ce timbre, explique la designer, « nous avons décidé de ne pas présenter le côté tragique de l’événement, mais plutôt d’insister sur la beauté du paquebot. L’image que nous avons choisie le présente sous un angle intéressant qui amplifie sa grandeur. Nous avons utilisé une palette monochrome avec des accents gris-bleu pour donner l’impression qu’il s’agit d’une photo en noir et blanc, mais aussi parce que la catastrophe s’est produite en pleine nuit. »
Le feuillet de 16 timbres au tarif du régime intérieur comporte des vignettes qui évoquent d’autres aspects d’une traversée à bord de l’Empress. « Il y avait une grande quantité de photographies d’archives montrant la vie somptueuse des passagers du transatlantique, ajoute-t-elle. J’en ai choisi quatre pour créer des vignettes utilisables sur le feuillet. Afin de rappeler discrètement le naufrage, je me suis servie d’une carte marine et d’une image de la bouée installée à proximité de l’épave. »
« Nous avons pour politique de ne pas souligner les tragédies », explique Jim Phillips, directeur des Timbres et services connexes, à Postes Canada. « Mais en 2012, année du centenaire de la perte du RMS Titanic, nous voulions attirer l’attention sur le rôle essentiel qu’a joué la ville d’Halifax après la catastrophe. L’accident du RMS Empress of Ireland est un événement dévastateur qui a eu lieu dans les eaux canadiennes, sur le Saint-Laurent. Il a eu un impact énorme sur les habitants de Rimouski et de Pointe-au-Père; c’est un moment important de leur histoire. Avant de sombrer au large de leurs côtes, ce navire avait transporté une multitude de nouveaux Canadiens ici. On pourrait même dire qu’il a peuplé les Prairies. Pourtant, très peu de gens avaient entendu parler de l’Empress, parce que le déclenchement de la Première Guerre mondiale a pris la place de ce désastre marin à la une des journaux. C’est une histoire que nous devons raconter et un anniversaire que nous devons souligner. »