C'est une épopée qui se déroule dans l'immensité d'un océan, au moment où des milliers de vies et l'avenir de la démocratie occidentale sont en jeu. Le grand récit de la bataille de l'Atlantique pourrait alimenter plusieurs films de long métrage. Or, Derek Sarty avait pour défi de le résumer, malgré sa complexité, dans une illustration de la taille d'un timbre.

Les Canadiens ont joué un rôle prépondérant dans cette guerre maritime, la plus longue bataille de la Seconde Guerre mondiale, dans les eaux hostiles de l'Atlantique Nord. L'effort militaire des troupes alliées reposait sur les convois de navires ravitailleurs qui, pourchassés par des sous-marins ennemis, devaient dominer le tumulte des flots pour effectuer une traversée. À l'aube de l'affrontement, la Marine royale du Canada a commencé à escorter les convois afin de protéger ces ravitaillements indispensables. Malgré le manque de renforts et de matériel adéquat, nos forces navales ont réussi à tenir les voies maritimes ouvertes, mais à quel prix! Au terme de la guerre, 22 de nos navires manquaient à l'appel, et plus de 4000 Canadiens avaient trouvé la mort, dont 2000 de la Marine royale britannique, 750 de l'Aviation royale du Canada et
1650 de la marine marchande.

Le sacrifice de ces combattants est commémoré chaque année au début mai, à l'occasion du Dimanche de la bataille de l'Atlantique. Cette année, Postes Canada émettra un timbre au tarif du régime intérieur (50 ¢), qui illustre cette période de guerre par des photos saisissantes de l'époque.

M. Sarty a choisi ces images à partir des archives bien garnies du Musée du Commandement maritime (MCM), à Halifax. « La plupart des photos de cette heure ont été prises par des amateurs en service dans des conditions infernales; elles sont souvent floues, granuleuses et abîmées, donc de peu d'utilité pour la création d'un timbre », explique le concepteur.

Les clichés que M. Sarty a jugés utiles ont été numérisés par un spécialiste à partir des originaux noirs et blancs, puisés dans les collections de Bibliothèque et Archives Canada et du MCM. Ces versions numériques de qualité élevée ont été épurées, proportionnées, retouchées et colorisées. Le concepteur les a ensuite assemblées pour obtenir une épreuve composite qui nous plonge au cœur d'une bataille impétueuse livrée en haute mer.

« Dans le ciel, les lignes de côte de l'Europe occidentale et de l'est de l'Amérique du Nord marquent les limites du théâtre d'opérations », explique M. Sarty. « Dans le convoi de bâtiments, à l'horizon, un navire ravitailleur vient tout juste d'être torpillé, tandis que des survivants d'une autre attaque tiennent bon, certains dans un canot de sauvetage, d'autres dans la mer. Une vigie est sur un pied d'alerte alors qu'une corvette de la Marine canadienne passe à l'action, ignorant qu'un U-boot allemand la prend déjà pour cible. »

Pour intensifier le drame, le concepteur a ajouté des teintes de couleur qui évoquent la période, le thème naval et les conditions difficiles de l'Atlantique Nord.

L'assemblage de cette épreuve composite a nécessité des semaines de travail soigné et minutieux. Par exemple, M. Sarty a détouré numériquement la corvette en entier, traçant le contour de chaque hauban, de chaque fissure et boulon, de chaque ombre. « Maintenant, je connais intimement le moindre détail de ce navire », dit-il en riant, « mais le jeu en vaut la chandelle. Lorsqu'il s'agit de créer un timbre, il vaut mieux cultiver l'excellence. »