À l'instar des ponts qui les ornent, les quatre nouveaux timbres du régime intérieur (50 ¢) de Postes Canada sont un amalgame de perspectives géométriques. Néanmoins, ces images évoquent bien plus qu'une simple structure et des angles statiques. « Il s'agit de photos prises en action », explique Stephen Boake, directeur artistique à la maison Designwerke de Toronto.

L'effet de mouvement créé sur les timbres est voulu : il vise à traduire la raison d'être de ces ouvrages d'art. « Les ponts sont construits pour l'usage de tous », de dire le concepteur. « Bien que les caractéristiques techniques et la conception soient dignes d'intérêt, nous cherchions à illustrer les ponts du point de vue des gens qui les traversent au quotidien. »

Aussi peut-on voir une personne sur chacun des quatre timbres, de façon plus évidente sur certains que sur d'autres. Vous devrez peut-être vous y prendre à deux fois pour apercevoir le visage du conducteur dans son rétroviseur sur le timbre du pont Jacques-Cartier.

« Nous préconisons la collaboration », mentionne M. Boake qui a travaillé de près avec le photographe Sid Tabak à ce projet. Une photo a été prise de chaque pont, puis retouchée numériquement afin d'obtenir la -perspective humaine que l'équipe cherchait à transmettre. L'image du pont Jacques-Cartier a été produite à partir d'une épreuve composite, comprenant une photo d'un conducteur reflété dans son rétroviseur, photo prise à Toronto. En dépit de sa simplicité, l'effet obtenu est frappant : on voit le pont à travers les yeux du conducteur, pare-brise, capot et -habitacle en moins.

L'image est bien moderne pour une structure dont on célèbre le 75^e anniversaire en 2005. Le pont Jacques-Cartier relie l'île de Montréal au littoral sud du Saint-Laurent, à la hauteur de Longueuil. Plus de 40 millions de véhicules le franchissent chaque année.

La projection légèrement oblique du cliché -- l'horizon déviant de son axe -- crée l'illusion qu'on traverse le pont à vive allure. « Nous avons incliné l'image pour l'empreindre de dynamisme et avons réglé l'angle de la typographie afin d'accentuer l'impression de mouvement », explique M. Boake.

Cette technique est reprise pour les deux vignettes qui reproduisent des ouvrages de la Nouvelle-Écosse. Le pont Angus L. Macdonald émerge du port de Halifax pour joindre cette dernière à la ville opposée, Dartmouth. Lors de son inauguration il y a 50 ans, ce pont suspendu figurait parmi les plus longs de sa catégorie du monde. Il a été nommé en l'honneur du premier ministre provincial qui l'a mis en chantier.

Le timbre immortalise cette ville et son port animés, depuis un voilier qui glisse sous le pont Macdonald. La convergence des angles de la structure, de l'horizon et de la typographie suggère le déplacement et l'ondulation des vagues. En réalité, l'image découle de l'assemblage d'une photo du pont prise sur place et de celle d'un voilier prise ailleurs.

Sur la vignette émise à l'occasion du 50^e anniversaire de la levée de Canso, la typographie en angle suggère que le pont se déplace. La levée relie la Nouvelle-Écosse à l'île du Cap-Breton par un banc de roches élevé depuis le fond marin. L'extrémité nord est dotée d'un pont tournant pour permettre la navigation. Le timbre reproduit l'image du pont qui se referme après avoir laissé passer un garde-côte, une autre épreuve composite provenant de l'assemblage numérique de deux photos différentes prises sur les lieux.

Par opposition, la brume qui flotte au-dessus de la rivière Souris ne provient d'aucun trucage numérique. La photo du pont oscillant de la ville de Souris, au Manitoba, a été prise à l'aube, à partir de la passerelle. Depuis 1904, cette construction permet aux résidants de traverser la rivière pour atteindre le centre-ville. « Nous avions prévu photographier une coureuse sur le pont et, à notre arrivée, la brume planait déjà dans cette lumière resplendissante », raconte le concepteur. L'équipe a accentué ces reflets dans le cliché par des couleurs vives qui, à leur tour, amplifient la quiétude et la limpidité du petit matin.

M. Boake affirme que la conception de ces timbres a nécessité de la créativité et de la minutie sans bornes, au grand plaisir de l'équipe. « Somme toute, un projet fascinant. » .