La légende canadienne du jazz Eleanor Collins développe ses talents vocaux durant son enfance en chantant avec ses cousins et sa famille élargie. Ces rassemblements leur permettent de tisser des liens et de s’exprimer tout en renforçant leur identité commune.
Loin d’être informelles, ces séances de chant sont rigoureusement dirigées par un oncle, qui attribue une note et une harmonie à chacun.
« Je me rends compte que ces moments sont à l’origine de ma formation musicale, se souvient-elle. Si quelqu’un ratait sa partie, il avait droit à de sérieuses réprimandes. Heureusement, j’entendais toujours les bonnes notes grâce à mon oreille musicale. »
C’est dans les années 1950 qu’Eleanor Collins marque l’histoire de la musique et de la télévision canadienne. Son élégance, son charme et ses performances envoûtantes à la radio et dans les clubs lui valent le titre non officiel de première dame du jazz du Canada.
Née en 1919 à Edmonton, en Alberta, Eleanor Collins déménage à Vancouver à la fin des années 1930 où elle se plonge dans la florissante scène jazz. Après un passage à la radio de la CBC avec le groupe gospel Swing Low Quartet au début des années 1940, elle se produit avec Ray Norris dans le cadre de l’émission de jazz Serenade in Rhythm. Au début des années 1950, elle commence à chanter avec d’autres grands musiciens de l’époque, dont Chris Gage, Phil Nimmons, Lance Harrison, Doug Parker, Fraser MacPherson, Don Thompson et Dave Robbins.
Eleanor Collins devient une artiste de calibre mondial au début de l’ère de la télévision, alors que la CBC recherche de nouveaux talents pour ses émissions en direct. Après avoir été découverte lors d’une production sur scène, elle fait ses débuts télévisés en 1954 dans la série vancouvéroise Bamboula : A Day in the West Indies de CBC.
L’année suivante, l’élégante chanteuse devient la première artiste jazz canadienne à animer une émission de variétés nationale, The Eleanor Show, et en 1964, elle anime sa deuxième émission, Eleanor. Durant les années 1950, 1960 et 1970, elle participe à de nombreuses productions télévisées et radiophoniques. Elle donne son dernier concert à Vancouver, alors qu’elle est âgée de plus de 90 ans.
Eleanor Collins raconte ne pas se sentir comme une pionnière à l’époque.
« Les producteurs, les techniciens et les artistes étaient tous des pionniers. Nous avons fait ce que nous estimions être notre destin : vivre dans le présent et prendre les meilleures décisions possible en conséquence. La façon dont nos vies sont aujourd’hui perçues ou racontées est une question d’histoire », affirme-t-elle.
Pionnière du jazz canadien, Eleanor Collins vient d’une famille qui n’hésite pas non plus à sortir des chantiers battus. Ses parents, d’origine afro-américaine et créole, font partie des quelque 1 500 colons noirs qui quittent les États-Unis pour venir s’établir dans les Prairies canadiennes au début du XXe siècle.
Le parcours de l’artiste vers la renommée nationale est parsemé d’embûches. À une époque où les citoyens noirs du sud des États-Unis subissent toujours la ségrégation raciale et les lois hostiles Jim Crow, elle combat les préjugés raciaux à sa manière.
Lorsqu’Eleanor Collins déménage avec sa famille à Burnaby, en Colombie-Britannique, un voisin d’origine suédoise lui fait part d’une pétition locale visant à les empêcher de s’établir dans la collectivité.
« Les hostilités, les injures, l’intimidation et les obstacles n’avaient rien de surprenant. Je savais qu’il allait falloir trouver des façons de créer un climat dans lequel nos enfants pourraient vivre sans être harcelés. J’ai donc contribué activement à la collectivité pour que les gens puissent apprendre à me connaître », explique-t-elle.
Grâce à sa musique, Eleanor Collins amasse des fonds pour une multitude d’organisations civiques et d’organismes de bienfaisance. Elle se rend dans les écoles pour encourager les élèves à apprendre la musique, se joint à l’association de parents et enseignants ainsi qu’à la chorale de l’église, enseigne la musique aux jeunes guides de la région et visite les patients de l’hôpital pour enfants et les détenus afin de chanter pour eux.
« Ils ont fini par voir que nous étions des personnes impliquées dans notre collectivité, et notre maison est devenue l’un des principaux lieux de rassemblement pour les enfants du coin. J’espérais amener les gens à voir au-delà de leurs différences apparentes », raconte-t-elle.
Le mariage d’Eleanor Collins et du regretté Richard Collins dure 70 ans. Le couple a quatre enfants. Aujourd’hui âgée de 102 ans, elle confie que sa famille est le secret de sa longue et passionnante vie. Selon elle, c’est une véritable bénédiction de toujours être capable de profiter de la vie, d’être témoin de la reconnaissance accordée à son œuvre et d’avoir pu compter sur des gens qui l’ont accompagnée tout au long de son parcours.
Un timbre de Postes Canada rend hommage à Eleanor Collins, la première dame du jazz
En vente maintenant