Cet article contient du contenu délicat sur des expériences traumatisantes qui pourraient bouleverser certaines personnes.
Ce troisième volet de la série annuelle de timbres Vérité et réconciliation de Postes Canada présente des œuvres d’art de survivantes et survivants des pensionnats.
Les vignettes mettent en lumière l’histoire et les répercussions du système des pensionnats canadiens, à travers des œuvres illustrant l’expérience personnelle des artistes et symbolisant la résilience, la culture autochtone et l’espoir en un avenir meilleur pour les enfants.
Pour créer les timbres, Postes Canada s’est de nouveau associée au Cercle des survivants du Centre national pour la vérité et la réconciliation, qui a sélectionné les artistes Robert Burke, Helen Iguptak et Adrian Stimson.
Robert Burke
Robert Burke naît à Fort Smith dans les Territoires du Nord-Ouest, d’un père soldat afro-américain et d’une mère métisse originaire de la région. Ses peintures sont souvent inspirées de ses souvenirs du pensionnat de St. Joseph’s de Fort Resolution, dans les Territoires du Nord-Ouest, où il est envoyé à l’âge de quatre ans. Cette époque, où il est loin de la maison et sa famille, est malheureuse.
Robert Burke s’inscrit à l’école d’art dans la cinquantaine, après une longue carrière comme conducteur de machinerie lourde et mécanicien dans le domaine de la foresterie. Toute sa vie, l’art le fascine. L’artiste explique qu’à sa troisième année de formation, il trouve sa voix à travers la peinture et adopte un style reflétant ses histoires et expériences personnelles.
« Cette prise de conscience a changé ma perspective. Je me suis rendu compte qu’en peignant dans un style occidental, je ne m’exprimais pas à ma manière. Je suis Autochtone. Je viens des Territoires du Nord-Ouest », explique l’artiste.
Ses œuvres emploient des formes simples, colorées et contrastées pour raconter son expérience et représenter son identité autochtone noire. L’histoire de sa grand-mère l’incite à explorer ses origines autochtones dans son art.
Elle a perdu le statut autochtone lorsque son père a reçu un certificat du gouvernement fédéral donnant droit à des terres ou à de l’argent. Plusieurs générations de Métis ont ainsi perdu leur statut autochtone dans l’ouest du Canada.
L’artiste se souvient des étés de son enfance où il était complètement laissé à lui-même. « Ils nous expulsaient du pensionnat pendant l’été. Nous montions à bord du Sant Anna [un bateau de la Mission] et nous traversions le Grand lac des Esclaves, en remontant la rivière des Esclaves jusqu’à Fort Smith. Ensuite, ils nous laissaient nous débrouiller. Je n’avais nulle part où aller. Comme j’étais sans-abri, j’avais l’habitude de dormir dans les casernes de la GRC, explique-t-il.
Les périodes d’itinérance de mon enfance sont devenues un thème clé de mes peintures, une fois que j’ai fait ce constat. Cet élément, ce silence, est alors rempli de lumière. »
Robert Burke recevra nombre de subventions et d’honneurs pour son art. Une exposition de ses peintures est organisée au Northern Life Museum & Cultural Centre de Fort Smith en juin 2015, puis au Centre du patrimoine septentrional Prince-de-Galles de Yellowknife l’année suivante.
Helen Iguptak
Helen Iguptak se souvient du moment où elle a été enlevée à sa famille à l’âge de sept ans, dans la région qui est aujourd’hui le Nunavut, pour être amenée au pensionnat de Turquetil Hall à Chesterfield Inlet. Elle a fait le trajet en bateau et se rappelle avoir dû échanger ses vêtements chauds en caribou contre des vêtements en coton du commerce.
« C’était un peu venteux et je me souviens que le vent transperçait mes vêtements. J’ai alors commencé à me demander comment j’allais survivre à l’hiver », raconte Helen Iguptak à la CBC en 2018.
Helen Iguptak fabrique aujourd’hui des poupées Kivalliq, une tradition séculaire des Inuit de la région de Kivalliq, au Nunavut.
Elle se lance dans cet art dans les années 1990. Mais c’est au pensionnat qu’elle fabrique sa première poupée. Là-bas, elle se lie d’amitié avec une fille plus âgée, qui lui enseigne à fabriquer les « petites amies » qui la réconfortent et l’aident à préserver sa culture.
« Quand j’étais à Chesterfield, j’ai fabriqué une première poupée avec l’aide d’une amie. Elle m’a montré à confectionner des vêtements simples, explique-t-elle à la CBC. Je n’avais que sept ans. Alors que je m’apprêtais à la terminer (je crois qu’il ne me restait qu’à fixer les cheveux), j’ai manqué de fil et je n’osais pas en demander. J’ai regardé par terre et j’ai vu quelque chose de noir, alors je m’en suis servie pour finir la poupée. C’était un cheveu d’enfant. »
Lorsqu’elle quitte finalement Chesterfield pour rentrer chez elle, elle a si hâte qu’elle en oublie complètement sa poupée.
Aujourd’hui, Helen Iguptak s’est fait un nom comme artiste qui aide à protéger la culture inuit et à perpétuer la tradition des poupées. Les siennes sont vêtues d’habits traditionnels inuit cousus minutieusement pour en représenter tous les détails. Ses œuvres comprennent habituellement des vêtements en peau de caribou, des bottes en peau de phoque (kamik, en inuktitut) et du perlage coloré. Elles ont été présentées dans des galeries et des expositions partout au Canada.
Adrian Stimson
Personne bispirituelle, l’artiste interdisciplinaire Adrian Stimson est membre de la nation des Siksika de la Confédération des Pieds-Noirs en Alberta. Il a fréquenté trois pensionnats dans sa jeunesse et s’inspire largement de ces expériences dans son œuvre, qui aborde le génocide, le deuil et la résilience.
Adrian Stimson emploie des symboles qui mêlent les stéréotypes populaires de « l’Indien », du cowboy, du chaman et de l’être bispirituel. Son œuvre met en scène des personnages récurrents comme Buffalo Boy et le Chaman exterminateur.
« Ces personnages évoquent en quelque sorte mes recherches et l’histoire du projet colonial, avec un ton à la fois humoristique et tragique, explique-t-il. C’est un thème plein de contradictions, ce qui m’intéresse beaucoup en tant qu’artiste. »
Le motif du timbre d’Adrian Stimson aborde les thèmes de la maltraitance, de la résilience et de la force qu’il trouve à se réapproprier sa culture. Il comprend l’image d’une plume, qui représente pour l’artiste toutes les personnes survivantes des pensionnats « qui n’ont pas pu faire entendre leur voix, qui sont mortes et ont vécu sans raconter leur histoire. C’est envers ces ancêtres que j’ai une responsabilité; je veux témoigner de leur passé. » Il intègre également une image de lui enfant, qui représente le début des sévices dans les pensionnats.
Le bison est un autre symbole courant dans son œuvre. Il illustre en partie la résilience des Pieds-Noirs. Selon l’artiste, leur histoire de survie fait écho à celle des peuples autochtones. Sa vignette comprend sept bisons, une référence aux sept générations nécessaires au long processus de guérison et de réconciliation.
L’artiste a fait l’objet d’expositions dans des galeries et des musées partout Canada, ainsi qu’à l’étranger. Il a notamment remporté un Prix du Gouverneur général en arts visuels et en arts médiatiques en 2018 et un prix d’art autochtone REVEAL de la Fondation Hnatyshyn en 2017.
Adrian Stimson espère que ses œuvres permettront aux gens d’en apprendre plus sur l’histoire du Canada et de mieux comprendre les expériences des peuples autochtones.
Il exprime sa gratitude envers le Cercle des survivants pour avoir guidé le processus de création du timbre. « C’était une excellente occasion de discuter avec des gens qui ont vécu ce que j’ai vécu, dit-il. Je leur serai éternellement reconnaissant de m’avoir si bien accueilli, mais aussi de m’avoir encouragé à raconter mon histoire. »
Les survivantes et survivants des pensionnats et leurs familles peuvent accéder en tout temps à la ligne d’écoute téléphonique nationale de Résolution des questions des pensionnats indiens. Pour obtenir du soutien, composez le 1-866-925-4419.
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