Un timbre en l’honneur du premier joueur noir de la LNH(MD) : « Jamais je n’aurais pu imaginer un tel honneur! »

28 octobre 2023
6 minutes de lecture
Par Willie O’Ree

Chaque enfant a des rêves.

Le mien était d’être joueur de hockey professionnel. Et j’ai fait tout ce que j’ai pu pour le réaliser.

J’ai eu la piqûre dès que j’ai donné mes premiers coups de patin – des lames attachées aux semelles de mes chaussures – sur la patinoire que mon père nous avait aménagée dans la cour de notre maison de Fredericton. J’avais 3 ans. Puis, 2 ans plus tard, j’ai commencé à jouer au hockey organisé. Je suis devenu obsédé par ce jeu. J’ai travaillé dur pour finalement atteindre le plus haut niveau du sport : la Ligue nationale de hockeyMD (LNHMD).

Mais il y a certains accomplissements qu’on ne peut même pas imaginer. Voir un timbre lancé en mon honneur en est certainement un.

Je suis profondément touché par la reconnaissance que j’ai reçue et c’est pour moi un privilège d’avoir fait une différence dans la vie de tant de gens.

En 1958, quand je suis devenu le premier joueur noir à disputer un match de la LNH, c’était l’aboutissement d’années d’efforts acharnés. Ce que j’ai vécu comme une réalisation individuelle à l’époque est devenu une source d’inspiration pour d’innombrables jeunes au cours des années qui ont suivi. Ce n’était pas mon objectif.

J’ai pratiqué de nombreux sports en grandissant et je m’en tirais plutôt bien. Ceux que je préférais étaient le baseball et le hockey. À 14 ans, quand est venu le temps d’en choisir un pour de bon, j’ai choisi le hockey. Quand je l’ai annoncé à mon frère aîné Richard, il m’a donné une leçon précieuse : « Peu importe ce qui arrive, tu vas être confronté au racisme et aux préjugés. » Il a ajouté que si je voulais réussir, je devais être meilleur que la majorité des joueurs blancs auxquels je me mesurais. Ces mots m’ont poussé à travailler encore plus fort et à garder le cap sur mes objectifs. C’est en grande partie grâce à Richard que j’ai eu la confiance nécessaire pour pratiquer un sport à prédominance blanche comme le hockey. Il me disait : « Je sais que tu vas réussir, Willie. »

Je savais qu’il n’y avait pas beaucoup de joueurs noirs au niveau professionnel. Il y avait une ligue composée exclusivement de joueurs noirs, dont Herb et Ossie Carnegie et Manny McIntyre, qui jouaient ensemble dans diverses équipes. Autrement, la représentation des minorités dans le sport était très faible. Je savais qu’il était important de briser ces barrières. J’avais entendu parler de Jackie Robinson, qui était devenu le premier joueur noir de la Ligue majeure de baseball moderne, un exploit monumental.

À 14 ans, j’ai eu le privilège de faire la rencontre de M. Robinson, qui était alors un véritable héros pour moi. Je n’oublierai jamais ce moment. Mon équipe de baseball à Fredericton avait remporté un championnat et le prix était un voyage à New York. Je me souviens d’avoir contemplé l’Empire State Building, d’avoir vu le Radio City Music Hall et d’être allé au parc d’attractions de Coney Island. Le point culminant de notre séjour? Assister à un match des Yankees à l’ancien Ebbets Field. Après la partie, nous avons pu aller sur le terrain. À ma grande surprise, Jackie Robinson nous y attendait. Je lui ai serré la main et lui ai dit que je jouais au baseball, mais aussi au hockey sur glace. « Oh, m’a-t-il dit, je ne savais pas qu’il y avait des enfants noirs qui jouaient au hockey. » « Ouais, lui ai-je répondu, il y en a quelques-uns. »

La chance m’a souri une dizaine d’années plus tard, en janvier 1958. Je jouais pour les As de Québec, une équipe de la Ligue de hockey senior du Québec, quand j’ai reçu un appel des Boston BruinsMD : « Willie, nous voulons que vous alliez rejoindre les Bruins à Montréal pour jouer deux matchs contre les Canadiens [de MontréalMD]. » L’équipe manquait de joueurs, car certains étaient blessés et les gens pensaient que je pouvais être un atout. J’étais emballé. À mon arrivée à Montréal, l’entraîneur des Bruins, Milt Schmidt, m’a dit : « Ne t’inquiète pas, ne fais que jouer comme tu as l’habitude de le faire. »

Ne pas m’inquiéter? Son conseil est entré par une oreille et ressorti par l’autre. Comment pourrais-je jouer cette partie comme si c’était un match ordinaire? Non seulement c’était l’aboutissement d’un rêve de toute une vie, mais les Canadiens dominaient la ligue à l’époque, remportant Coupe StanleyMC après Coupe Stanley. L’équipe comptait des joueurs comme Jean Béliveau et Maurice Richard, que j’ai toujours admirés. Je ne pouvais faire autrement que m’inquiéter!

Ce jour restera à tout jamais gravé dans ma mémoire. C’était le 18 janvier, un samedi. Mes parents et mon frère Richard avaient fait le trajet entre Fredericton et Montréal pour venir voir le match. J’avais un trac fou quand j’ai sauté sur la glace pour la période d’échauffement. Puis quand la partie a commencé, tout s’est bien passé, mais je n’ai rien fait d’extraordinaire; je n’ai marqué aucun but ni fait de passe décisive. Nous avons remporté le match 3 à 0. J’ai vu ma famille après la partie, avant que l’équipe reparte pour Boston en train. J’étais sur un nuage – je venais d’atteindre la grande ligue, de jouer contre mes idoles devant mes proches… Sur le coup, je ne réalisais pas que je venais de marquer l’histoire.

Ce n’est que lorsque j’ai ouvert le journal le lendemain et lu que j’étais le premier joueur noir à avoir disputé un match de la LNH que j’en ai pris conscience. Je me suis dit : « Ça, c’est quelque chose. »

Mes débuts dans la LNH ont été mentionnés discrètement dans le journal, sans plus. Le lendemain, j’étais de retour à Québec pour jouer avec les As.

Je n’ai disputé que 45 parties dans la LNH avant d’intégrer la Western Hockey League, où j’ai joué pour les Los Angeles Blades. En 1962, 4 ans après mes débuts historiques, j’ai été invité à un dîner en l’honneur de Jackie Robinson organisé par la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP) à Los Angeles. À mon arrivée, j’ai vu M. Robinson discuter avec un groupe de personnes. Mon entraîneur l’a abordé une fois sa conversation terminée : « Monsieur Robinson, j’aimerais vous présenter un joueur local, Willie O’Ree. »

« Willie O’Ree!, s’est exclamé M. Robinson. Nous avons déjà fait connaissance à New York. » Je n’en croyais pas mes oreilles. Après tout, 13 années s’étaient écoulées depuis notre brève rencontre à l’Ebbets Field. « Je vois que vous avez trouvé votre sport », m’a-t-il dit. J’étais sans voix.

J’ai eu une réaction similaire quand j’ai appris que Postes Canada allait me consacrer un timbre. C’est un rappel puissant de l’impact que j’ai eu sur les gens. C’est tout un honneur de penser que j’ai été une source d’inspiration dans la vie de quelqu’un, comme Jackie Robinson l’a été dans la mienne.

Dans les années 1990, j’ai fait un retour à la LNH en tant qu’ambassadeur de son programme de diversité. Depuis, je me rends dans les écoles, les clubs garçons et filles, et de nombreux autres endroits en Amérique du Nord pour raconter mon histoire. J’enseigne aux jeunes de tous âges la valeur du travail acharné, que leur détermination peut leur permettre de réaliser leurs rêves. Je leur répète toujours que notre vie est le résultat de nos efforts. Je leur parle de ma blessure qui m’a rendu aveugle d’un œil avant que j’atteigne la LNH et de la façon dont je n’ai pas laissé cela me ralentir. Quand c’est arrivé, je me disais : « Ne te concentre pas sur ce que tu ne peux pas voir. Concentre-toi sur ce que tu peux voir. »

Je suis bien placé pour savoir que la visibilité peut tout changer et je suis très fier de pouvoir aider les nouvelles générations.

Mon travail auprès des jeunes est l’une de mes expériences les plus chères. Beaucoup de garçons et de filles, et pas seulement des athlètes, m’écrivent pour me remercier de les avoir inspirés à surmonter les obstacles et à croire en eux-mêmes. Durant mes séminaires, les enfants viennent me voir et me disent : « Monsieur O’Ree, je ne peux pas imaginer ce que vous avez dû traverser. Merci de m’avoir appris que le hockey est pour tout le monde et qu’on peut tout accomplir si on y met les efforts nécessaires. » Rien n’est plus gratifiant.

Mon héritage se perpétuera avec ce nouveau timbre, et j’en suis ravi. Quelle surprise quand j’ai reçu l’appel de Postes Canada! Cinq matins par semaine, je vais prendre un café avec des amis. Quand je leur ai parlé du timbre, personne n’arrivait à y croire : « Tu as été reçu à l’Ordre du Canada, la Monnaie royale canadienne a lancé une pièce ton honneur et maintenant tu vas avoir ton propre timbre? »

J’ai aimé participer au processus de création. Ma femme, ma fille et moi avons considéré différentes photos et options de motif avant de faire un choix. Nous avons eu beaucoup de plaisir.

J’ai du mal à croire que j’ai mon propre timbre. À mes débuts, jamais je n’aurais pu imaginer avoir cette chance. Je voulais simplement être le meilleur joueur de hockey possible.

Regardez où cela m’a mené.

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Un timbre rend hommage à Willie O’Ree, premier joueur noir de la LNH

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