Un nouveau timbre du Mois de l’histoire des Noirs met en vedette Marie Joseph Angélique

30 janvier 2025
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À l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs, Postes Canada a émis un nouveau timbre à l’effigie de Marie Joseph Angélique.

En plus de nous rappeler l’existence tragique de l’esclavagisme dans ce qui est maintenant le Canada, son histoire met en avant une femme qui a cherché à résister à son esclavage et à s’en défaire comme elle le pouvait.

Marie Joseph Angélique est une esclave noire, propriété de Thérèse de Couagne, à Montréal. Connue pour son esprit rebelle, on raconte qu’elle menace même un jour de tuer sa maîtresse.

Au début de 1734, elle apprend qu’elle a été vendue pour 600 livres de poudre noire et entend des rumeurs selon lesquelles son nouveau maître planifie la vendre comme esclave dans les Antilles. Elle décide alors de s’échapper.

Marie Joseph Angélique s’enfuit avec son amant Claude Thibault, un ouvrier blanc. Ils sont toutefois retrouvés deux semaines plus tard. L’homme est brièvement envoyé en prison, tandis qu’elle est renvoyée à sa maîtresse.

L’affaire renforce sa réputation de rebelle, ce qui aura des conséquences désastreuses pour la femme de 29 ans.


L’incendie

Le soir du samedi 10 avril 1734, un incendie ravage une grande partie du quartier marchand de Montréal. Des dizaines de maisons et de bâtiments sont rasés.

Le lendemain matin, Marie Joseph Angélique est accusée d’avoir allumé le brasier avec Claude Thibault.

Il est allégué qu’elle aurait commis cet acte pour tenter une fois de plus de fuir sa servitude. Claude Thibault demeure introuvable, mais la jeune femme est arrêtée.


Le procès

Marie Joseph Angélique maintient son innocence durant son interrogatoire. Selon des documents historiques, elle aurait dit : « Madame, je suis peut-être malveillante, mais je ne suis pas assez misérable pour commettre un tel acte. »

Elle est malgré tout traduite en justice pour incendie criminel, un crime passible de la peine de mort.

Plus de 20 personnes sont appelées à témoigner, mais aucune ne semble avoir vu le crime être commis. La plupart la croient coupable parce qu’elle avait déjà tenté de s’enfuir, affirmant qu’elle s’était aussi déjà rebellée contre sa maîtresse et l’avait menacée.

Parmi ces témoins, une fillette de cinq ans et nièce de Thérèse de Couagne, la maîtresse de Marie Joseph Angélique, dit avoir vu l’accusée transporter une pelle de braises jusqu’au grenier de sa tante.


Le verdict

Au terme d’un procès qui dure plusieurs semaines, Marie Joseph Angélique est reconnue coupable et condamnée à mort.

À l’époque, la loi permet la torture d’une personne coupable pour l’extorsion d’une confession et des détails du crime. C’est justement le sort qui attend la jeune femme, qui finit par céder. Bien qu’elle confesse avoir allumé l’incendie, elle dit avoir agi seule et que Claude Thibault n’a joué aucun rôle dans le crime.

Le même jour, le 21 juin 1734, elle est pendue sur la place publique.


La représentation de Marie Joseph Angélique sur un timbre

Comme il n’existe pas de portrait connu de Marie Joseph Angélique, il a été complexe d’en créer une représentation authentique pour le timbre.

« Il y a déjà eu quelques interprétations d’elle au théâtre, en peinture et même au cinéma, mais aucune ne semblait exacte sur le plan historique », explique la designer Nathalie Cusson. La collaboration de spécialistes était donc essentielle.

Les spécialistes ont pu fournir à Nathalie Cusson une foule de conseils, sur des échantillons de tissu, des images d’archives, des textes historiques et des précisions sur la façon dont les femmes esclaves du 18e siècle attachaient leur foulard de tête.

L’importance de la pose

La pose de Marie Joseph Angélique sur le timbre était également importante.

Charmaine A. Nelson, directrice fondatrice de la Slavery North Initiative de l’Université du Massachusetts, à Amherst, qui appuie la recherche sur l’histoire de l’esclavagisme au Canada et dans le nord des États-Unis, explique que les représentations historiques de femmes, en particulier de femmes noires, avaient tendance à les présenter comme des objets, voire des objets sexualisés, d’un point de vue dominant d’homme blanc.

« À cette fin, on illustrait les femmes de sorte que leur regard ne croise pas celui du public présumé, et on les privait de toute expression qui aurait pu dénoter la confrontation ou l’assurance, précise Charmaine Nelson. La pose et la prestance de la femme sur ce timbre sont en opposition claire à cette tradition. »


Saisir l’émotion de Marie Joseph Angélique

Sur le timbre, Marie Joseph Angélique a un regard à la fois déterminé et défiant.

Pour la représenter le plus fidèlement possible, une séance photo a été organisée avec l’actrice et mannequin Penande Estime, qui a dépeint une variété d’émotions, dont la fierté, la colère, le défi, la dignité et la révolte.

Une fois sélectionné le cliché avec l’expression et la pose les plus évocatrices, l’illustratrice Alexis Eke a créé un portrait.

Elle s’est assurée que les vêtements, les accessoires et le décor étaient authentiques d’un point de vue historique. La couleur du ciel en l’arrière-plan, orange brûlé, a été choisie pour représenter la force de caractère de Marie Joseph Angélique et sa vie tragique.


Son héritage

Bien que les opinions des spécialistes soient partagées sur la culpabilité ou l’innocence de Marie Joseph Angélique, son vécu dramatique nous rappelle l’existence de l’esclavagisme dans notre pays, et la manière dont les esclaves ont tenté de résister.

Son histoire continue d’alimenter les conversations sur l’égalité raciale, la justice et l’importance de reconnaître les complexités du passé du Canada.

Un nouveau timbre du Mois de l’histoire des Noirs met en vedette Marie Joseph Angélique

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