À titre de fondatrice du journal Provincial Freeman, Mary Ann Shadd (1823-1893) est la première femme noire à éditer et publier un journal en Amérique du Nord. L’éducatrice et abolitionniste d’origine américaine déménage à Windsor, dans le Canada-Ouest (aujourd’hui l’Ontario), où elle établit une école intégrée sur le plan racial en 1851 et fonde le Provincial Freeman en 1853. Nous avons interrogé l’historienne Adrienne Shadd et sa fille Marishana Mabusela, toutes deux descendantes de Mary Ann Shadd (arrière-arrière-petite-nièce et arrière-arrière-arrière-petite-nièce respectivement), sur leurs liens avec leur célèbre ancêtre. Selon elles, en racontant l’histoire des Canadiennes et Canadiens noirs, en particulier les femmes dont la vie était doublement cachée, on peut faire une différence en une seule génération.
« Ma génération ne connaissait pas le passé de Mary Ann et les réalisations de la famille Shadd. »
« Je n’ai appris l’existence de Mary Ann Shadd qu’en 1973 ou 1974, lorsque je me suis rendue à ce qui est maintenant le lieu historique national du Canada de l’Établissement-Buxton », explique Adrienne Shadd. « Arlie Robbins, qui travaillait au musée à l’époque, m’a remis un article intitulé “Mary Ann Shadd: Negro Editor, Educator, and Lawyer”. Je lui ai demandé qui était Mary Ann Shadd. Lorsque j’ai lu l’article et que j’ai entendu parler de cette femme et de toutes ses réalisations, j’étais abasourdie. Elle avait été enseignante, éditrice et rédactrice en chef de journal, avocate, abolitionniste et conférencière lorsqu’il pouvait être dangereux pour une femme de l’être. Qui plus est, elle faisait partie de ma famille! »
Grâce aux recherches de sa mère, Marishana Mabusela a appris très tôt l’histoire de sa famille. « Mes premiers souvenirs sont ceux du visage de Mary Ann sur les livres de ma mère », se souvient-elle. « J’ai dû lui demander “Qui est-ce?” ou “Pourquoi tu lis toujours ce livre?” Elle m’a probablement expliqué plusieurs fois qui elle était, ce qu’elle a fait, pourquoi elle était importante et notre lien de parenté avec elle. Il m’a fallu des années avant que je comprenne l’importance de toutes ses réalisations. À vrai dire, j’en apprends encore tous les jours. »
Une découverte cruciale
Enfant, Adrienne Shadd a grandi avec l’idée que « les Noirs n’avaient apporté aucune contribution à la civilisation ». Découvrir l’histoire de sa grand-tante a donc été une révélation. « Je pense que la trajectoire de ma vie a changé à ce moment-là. J’étais tellement inspirée et exaltée par l’histoire de Mary Ann Shadd et de sa famille, que je voulais en savoir plus sur les réalisations des Noirs en général, parce que je n’avais pas appris ces choses-là quand j’étais jeune. J’ai compris qu’il y avait beaucoup de grandes histoires à découvrir. Et pourquoi ne ferais-je pas partie des personnes qui dévoileraient ce passé? »
« Connaître le passé m’a donné une grande confiance en moi et en mes capacités. »
Les recherches d’Adrienne Shadd et sa passion pour l’histoire ont jeté les bases d’un sentiment de fierté à l’égard d’un héritage qui aurait une incidence sur l’avenir de sa fille. « Je proviens d’une communauté solide, et connaître le passé m’a donné une grande confiance en moi et en mes capacités. Le legs de l’Établissement Elgin* et de la famille Shadd me donne beaucoup de force », précise Marishana Mabusela. « Mary Ann Shadd faisait partie des nombreux remarquables ancêtres et membres de ma famille. La voir recevoir une telle reconnaissance publique étant donné ce qu’elle a vécu à une époque où les femmes, en particulier les Noires, n’étaient pas respectées, me donne la confiance nécessaire pour réaliser mes propres rêves malgré les obstacles. »
« Le Provincial Freeman est une mine de renseignements. »
« À titre d’historienne, je suis extrêmement reconnaissante de l’existence du Provincial Freeman », affirme Adrienne Shadd. « Il s’agit d’une mine de renseignements sur la communauté noire au Canada-Ouest. Ce journal nous a été d’une aide inestimable, car il nous a permis de découvrir qui étaient bon nombre des dirigeantes et dirigeants des communautés, quelles étaient leurs organisations et leurs activités, quels étaient les affrontements entre les différentes factions de la communauté, et quelle était l’incidence des événements survenus dans la province aux États-Unis et ailleurs dans le monde. Les gens surveillaient le Canada-Ouest pour voir comment ces Noirs libres s’en tiraient et s’ils pouvaient évoluer dans un contexte de liberté au Canada. C’était une grande source de fierté pour la communauté noire. »
Une première dans le domaine de la philatélie
En 2009, Abraham Doras Shadd, le père de Mary Ann, a figuré sur l’un des premiers timbres du Mois de l’histoire des Noirs de Postes Canada. À l’exception du roi George VI et de la reine Elizabeth II, c’est peut-être la seule fois qu’un père et sa fille sont immortalisés sur des timbres canadiens. « C’est un honneur de faire partie d’une famille qui a été reconnue de cette façon », conclut Adrienne Shadd. Marishana Mabusela, elle, songe au futur : « Peut-être qu’ils ne seront pas les derniers! »
Postes Canada émet des timbres du Mois de l’histoire des Noirs pour présenter les histoires de courage, les réalisations et les contributions des personnes noires du Canada. L’objectif est de cultiver la fierté des générations futures grâce à une meilleure compréhension de la vie et des défis de gens qui nous ont précédés.
* Également connu sous le nom de Buxton, l’Établissement Elgin était la plus grande communauté noire du Canada-Ouest. Il était situé dans ce qui est aujourd’hui la municipalité de Chatham-Kent. Fondé en 1849 par le révérend William King, l’Établissement Elgin était l’un des derniers arrêts du chemin de fer clandestin.
Le timbre du Mois de l’histoire des Noirs de 2024 célèbre l’héritage de Mary Ann Shadd.
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