Sa plume est habile et acérée, et ses images poignantes touchent les lecteurs de par le monde
Il y a plus de 35 ans, Bruce MacKinnon est aux études et vit avec sa jeune épouse Peggy dans un appartement exigu à Halifax, quand les tarifs d’électricité montent soudainement en flèche. Ils ne peuvent pas se permettre cette augmentation. Les Néo-Écossais sont aux abois. L’étudiant commente alors l’actualité en caricatures et les présente au journal Chronicle Herald.
« Un enjeu politique nous affectait personnellement, alors j’ai exprimé ma colère, se souvient-il. C’est ainsi que j’ai tissé des liens avec le Herald. »
Bruce MacKinnon publie sa première caricature à l’âge de 14 ans dans The Casket, l’hebdomadaire de sa ville natale d’Antigonish, en Nouvelle-Écosse. Il étudie les beaux-arts à l’Université Mount Allison et le graphisme au Collège d’art et de design de la Nouvelle-Écosse. Les portraits qu’il dessine dans un centre commercial d’Halifax lui permettent de payer sa scolarité. Il est aussi un peintre de talent : de grandes caricatures de célébrités canadiennes, dont Martin Short, Sidney Crosby et Céline Dion, sont accrochées dans son studio.
Avec en carrière quelque 8 000 caricatures au Herald, l’artiste est immanquablement polémique et, fidèle à sa vocation, assume pleinement ce choix. Presque toutes les caricatures sont controversées de nature, souligne-t-il. Dans ce qu’il appelle « mon petit carré », il illustre son point de vue.
« J’ai droit à mon opinion comme tout le monde, et je vais l’exprimer. »
Les caricatures percutantes mettent souvent en vedette ceux qui sont en situation de pouvoir. La satire est une façon de les garder sur le droit chemin, mais il faut avant tout savoir cerner un enjeu avec concision.
« On essaie de couper le verbiage et d’aller droit vers la vérité, explique-t-il. Si on peut le faire avec humour, c’est idéal. Si on peut avoir un impact et faire réfléchir, c’est encore mieux. Et si on réussit à faire les deux, c’est le gros lot. »
Au fil de sa brillante carrière, le caricaturiste remporte 6 fois le Concours canadien de journalisme dans la catégorie « Caricature » (ainsi que le tout premier prix Journaliste de l’année), 21 Prix du journalisme de l’Atlantique et, en 2014, le Concours international de dessin pour la liberté de la presse. Ses œuvres garnissent les collections de plusieurs galeries et sont exposées dans des musées. Sa caricature de l’allégorie de la Justice, inspirée par des allégations soulevées contre Brett Kavanaugh, alors candidat à la Cour suprême des États-Unis en 2018, est ajoutée à la Bibliothèque du Congrès à Washington.
Il commente également la fusillade de masse de 2017 à Las Vegas, la plus meurtrière de l’histoire américaine moderne. Le tireur avait 24 armes à feu dans sa chambre d’hôtel, dont plusieurs avaient été légalement modifiées en fusils automatiques. Son œuvre accuse sans détour le lobby des armes à feu aux États-Unis.
Sa caricature de la National Rifle Association (NRA) est largement diffusée sur les médias sociaux après cette fusillade de masse et celles qui suivent.
Les lecteurs peuvent saisir le sens d’une caricature en quelques secondes. Bien que ce ne soit pas toujours possible, Bruce MacKinnon s’efforce de produire des dessins sans texte. Quand il y arrive, « [il peut] parler sans ouvrir la bouche. »
Quelle que soit la forme de ses caricatures, elles sont le « parfait mélange d’intelligence artistique et de journalisme incisif », écrit l’ancien présentateur de CBC Peter Mansbridge.
Bruce MacKinnon reçoit des diplômes honorifiques et est reçu à l’Ordre de la Nouvelle-Écosse, en plus d’être nommé Membre de l’Ordre du Canada en 2016 « pour sa contribution en tant que l’un des dessinateurs éditoriaux les plus talentueux, empathiques et provocateurs au Canada ».
La caricature qu’il réalise à la suite du décès du caporal Nathan Cirillo au Monument commémoratif de guerre du Canada est diffusée et encensée partout dans le monde. Il remet le dessin original à la famille du défunt.
Lorsqu’un pays entier est bouleversé, contrarié ou en deuil, les caricaturistes ont aussi leur rôle à jouer.
« On doit faire une déclaration qui va au cœur du problème d’une manière subtile et nuancée », précise-t-il. Son illustration publiée à la suite de l’accident de l’autobus des Broncos de Humboldt exprime le soutien d’une nation en deuil; c’est d’ailleurs elle qui orne le timbre.
Bruce MacKinnon décrit la caricature de presse comme le meilleur métier du monde, mais il avoue que son travail n’est pas de tout repos : il est « toujours plus ardu de trouver de nouvelles idées » et les échéances quotidiennes sont parfois lourdes.
« C’est le côté difficile de la profession, mais j’adore ce que je fais. »
Une nouvelle émission de timbres rend hommage à de talentueux caricaturistes de presse canadiens.
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