Le 30 janvier 2023, Postes Canada a émis un nouveau timbre en l’honneur de Chloe Cooley, une jeune femme noire asservie comme domestique à Queenston, dans le Haut-Canada, à la fin du XVIIIe siècle. Sa résistance le soir du 14 mars 1793 a mené à l’adoption d’une loi qui allait changer le cours de l’esclavage au Canada et contribuer à façonner l’histoire du pays.
On ne sait pas grand-chose de Chloe Cooley, qui était l’une des quelque 75 personnes tenues en esclavage dans la région de Niagara à l’époque. Comme la plupart des gens asservis, elle n’a pas eu l’occasion de laisser un récit de sa vie.
« Comme c’était une esclave, elle n’a pas écrit ni laissé son propre témoignage. L’esclavage était une institution qui cherchait à éliminer et à voler l’identité individuelle et l’humanité des personnes asservies, explique Natasha Henry-Dixon, professeure adjointe en histoire afro-canadienne à l’Université York. Il y a des traces d’elle dans certains registres, où elle figure essentiellement à titre de propriété, ou de bien mobilier, de ceux qui l’ont tenue en esclavage. »
C’est grâce à ces documents et aux archives que l’histoire de Chloe Cooley traverse le temps.
Le Haut-Canada à l’époque de Chloe Cooley
Chloe Cooley vit dans le Haut-Canada à une époque où l’esclavage connaît un essor.
Après la Révolution américaine, la Grande-Bretagne souhaite que davantage d’Américains s’installent en Amérique du Nord britannique, y compris dans le Haut-Canada. Pour les y inciter, elle permet aux maîtres de continuer à tenir des hommes, des femmes et des enfants noirs en esclaves.
La hausse de popularité de l’esclavage qui s’ensuit donne toutefois un élan au mouvement abolitionniste.
Alors que commencent à planer des rumeurs d’abolition, des maîtres commencent à craindre de perdre ce qui est légalement considéré comme leur propriété. Certains veulent vendre leurs esclaves de l’autre côté de la frontière pendant qu’il est encore temps – y compris le sergent Adam Vrooman, le maître de Chloe Cooley.
Le 14 mars 1793
Le soir du 14 mars 1793, Adam Vrooman enlève Chloe Cooley. Il la ligote, et avec l’aide de deux hommes, la traine sur les rives de la rivière Niagara. Reconnue pour sa défiance, la jeune femme refuse d’obéir sans rien dire.
« Elle a tenté de différentes façons de lutter contre son esclavage par Adam Vrooman. Elle s’enfuyait pendant de courtes périodes et elle s’aventurait à faire des choses qui contribueraient à améliorer son sort, même si elle était tenue en esclavage », raconte Natasha Henry-Dixon.
Quand son maître l’enlève ce soir-là, la jeune femme oppose une résistance farouche.
Elle crie à l’aide en essayant tant bien que mal de se libérer. Ses protestations sont si fortes qu’elles attirent l’attention des gens dans les environs.
Chloe Cooley n’arrive toutefois pas à s’échapper. Elle est maîtrisée et transportée de force par bateau de l’autre côté de la rivière, dans l’État de New York, où elle est vendue.
Bien qu’on ne sache pas ce qui lui arrive par la suite, son histoire ne se termine pas là.
Les récits de l’événement
Des personnes sont témoins de l’événement violent, dont Peter Martin, un loyaliste noir libre.
Lui et un autre homme rapportent l’incident au lieutenant-gouverneur John Graves Simcoe, un fervent abolitionniste.
Ce dernier dépose un projet de loi qui abolirait l’esclavage dans le Haut-Canada, mais la mesure est rejetée.
Un compromis est cependant trouvé. Le 9 juillet 1793, près de quatre mois après les fortes protestations de Chloe Cooley sur les rives de la rivière Niagara, la première loi visant à restreindre l’esclavage dans le Haut-Canada est adoptée. Si la jeune femme n’en profite pas, cette loi ouvre la voie à la liberté à d’autres.
La loi visant à restreindre l’esclavage dans le Haut-Canada
En soi, la loi ne libère pas les esclaves et n’empêche pas leur vente, mais elle favorise l’abolition graduelle de la pratique en interdisant l’importation d’esclaves dans le Haut-Canada et décrète que les enfants de femmes asservies doivent être libérés à l’âge de 25 ans.
La loi crée également un refuge légal pour les personnes qui fuient l’esclavage dans d’autres pays, comme les États-Unis. Elle aide au moins 30 000 Américains noirs en quête de liberté à faire le périlleux voyage vers le Canada au cours des décennies qui suivent.
En 1833, le Parlement britannique adopte la Loi sur l’abolition de l’esclavage. À son entrée en vigueur l’année suivante, elle mène à la mise en liberté de tous les esclaves à l’échelle de l’Empire, y compris les quelques personnes qui sont toujours asservies dans le Haut-Canada.
Avec ce timbre, Postes Canada reconnaît la vie et l’héritage de Chloe Cooley, ainsi que de tous ceux et celles qui ont servi en esclaves au pays jusqu’en 1833.
« Il est important de nous rappeler que les gens asservis étaient des humains à part entière, qu’ils avaient leur propre identité. Il faut les voir comme plus que leur condition, souligne Natasha Henry-Dixon. Nous devons continuer à améliorer notre reconnaissance de l’histoire de l’esclavage et de la façon dont son héritage continue d’avoir une incidence sur les personnes d’ascendance africaine aujourd’hui. »
Un timbre célèbre l’héritage de Chloe Cooley
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