Grande dame de la scène, monument du cinéma canadien, Monique Mercure a laissé une empreinte indélébile sur le paysage artistique d’ici durant une carrière de 60 ans. Un parcours unique qui l’a vue apparaître dans plus de 80 films et productions télévisées, en plus d’une centaine de productions théâtrales des deux côtés de l’Atlantique.
La vie de Monique Mercure, c’est d’abord l’histoire d’une femme aux multiples talents. Née en 1930 au sein d’une famille ouvrière de Montréal qui accorde une grande importance aux arts, à la culture et à l’éducation, elle grandit au son de la musique jouée par sa mère, une pianiste accomplie. En dépit de revenus familiaux très modestes, ses parents l’encouragent et lui permettent de suivre des cours de diction, de claquettes, de solfège et de violoncelle. Ses premiers amours artistiques la conduisent à l’École de musique Vincent-d’Indy où elle obtient son diplôme en 1949 en rêvant de devenir musicienne professionnelle. Insatiable, elle touchera ensuite à la danse aux côtés de Ludmilla Chiriaeff, fondatrice des Grands Ballets canadiens.
Véritable artiste pluridisciplinaire, Monique Mercure mettra éventuellement tous ses talents à l’œuvre dans une brillante carrière de six décennies au théâtre et à l’écran, petit et grand. Cette grande polyvalence artistique, ce talent qui crève l’écran, voilà ce dont se souvient Lorraine Pintal, directrice artistique et générale du Théâtre du Nouveau Monde (TNM) depuis 1992.
« Elle chantait. Elle jouait du violoncelle. Alors, c’est vraiment un talent incroyable, se remémore madame Pintal. Quand on dit qu’une personne est née dans la marmite du jeu dramatique quand elle était petite, Monique, elle a été bénie par les déesses de théâtre. C’est pour ça qu’elle a été une si grande comédienne. Tellement aimée du public, d’ailleurs. Très appréciée du grand public qui la suivait partout. »
Après avoir suivi son mari Pierre Mercure à Paris, elle revient à Montréal en 1958 avec ses trois enfants à la suite d’un douloureux divorce. Mais comme rien n’arrive pour rien, c’est ultimement ce qui poussera la mère monoparentale à abandonner ses ambitions musicales pour plonger tête première, avec la détermination qu’on lui connaît, dans le jeu dramatique. Elle vit son baptême théâtral sur les planches du TNM en 1959 dans la pièce classique Les Choéphores d’Eschyle, sous la direction de Jean-Pierre Ronfard.
Les théâtres montréalais lui servent alors de terrain de jeu et son ascension est fulgurante alors qu’elle enchaîne les productions : L’Opéra de Quat’Sous de Bertolt Brecht, Les Bonnes de Jean Genet (où elle incarne les trois personnages!), À toi pour toujours, ta Marie-Lou et Albertine en cinq temps de Michel Tremblay, Le Tartuffe de Molière, Les belles-sœurs où elle transporte l’univers de Tremblay et la langue de chez nous, le joual, à l’Espace Pierre Cardin de Paris.
Monique Mercure travaille avec les plus grands metteurs en scène de théâtre de l’époque : Jean Gascon, Jean-Louis Roux, Michelle Rossignol, René Richard Cyr, André Brassard, Alice Ronfard et Lorraine Pintal. Elle se distingue par la précision et l’intensité de son jeu, tant dans des productions classiques que contemporaines, en français comme en anglais, chose peu commune à l’époque. Lorraine Pintal s’en souvient très bien.
« Elle était excellente dans les pièces de Brecht, parce qu’elle chantait, elle faisait valoir tous ses talents, mais en même temps je sais que pour elle, et pour nous aussi, ça s’est passé au TNM. Quand on parle de Monique Mercure, on parle d’Hécube, dans Les Troyennes d’Euripide, sous la direction d’Alice Ronfard. Et c’est là où elle montrait à quel point elle était une grande tragédienne, à la fois très investie par son rôle, mais avec une technique de scène que toutes les comédiennes lui enviaient. Elle était capable, vraiment, de passer de la langue de Tremblay à la langue d’Euripide. »
Une femme… en or!
Triomphante sur les planches, Monique Mercure fait tranquillement sa place au grand écran. Dès son premier rôle dans le film À tout prendre (1963), elle rencontre le cinéaste Claude Jutra avec qui elle collaborera dans ses plus grandes réalisations, notamment Mon oncle Antoine (1971), l’œuvre phare du cinéaste, Pour le meilleur et pour le pire (1975) et La Dame en couleurs (1985), le dernier long métrage qu’il réalise. Elle se démarque également dans la comédie culte Deux femmes en or (1970) du réalisateur Claude Fournier, qui affirme avoir écrit le film pour elle, un rôle qui lancera véritablement sa carrière cinématographique.
La consécration suprême du 7e art vient en 1977 au Festival de Cannes quand elle marque l’histoire en remportant le prix d’interprétation féminine pour son rôle de Rose-Aimée, dans J.A. Martin photographe du réalisateur Jean Beaudin. Elle éclipse au passage des actrices de renom comme Sophia Loren et Isabelle Hupert pour devenir la première Canadienne à remporter la Palme d’Or dans cette catégorie.
Mais, coup de théâtre, la comédienne québécoise n’est pas à Cannes pour recevoir son prix, étant retenue à Montréal où elle joue dans une pièce présentée au TNM. C’est donc son complice de jeu, Marcel Sabourin, qui va finalement récolter en son nom la précieuse récompense.
« Steven Spielberg disait dans une entrevue qu’il y a une chose qui manque à sa carrière, c’est qu’il n’a jamais gagné la Palme d’or à Cannes. Et puis là, on parle d’une femme bien ordinaire, une petite Québécoise, Monique Mercure qui, elle, a gagné la Palme d’or à Cannes. Mais elle n’était même pas là. Elle jouait au théâtre », se rappelle Marcel Sabourin.
Au fil de sa carrière, elle joue dans plus de 80 films et productions télévisées, avec des rôles marquants dans The Red Violin (1998) de François Girard, Naked Lunch (1991) de David Cronenberg, pour lequel elle reçoit le prix Génie de la meilleure actrice de soutien, Emporte-moi (2000) de Léa Pool, ainsi que les séries télévisées à succès Providence, de 2005 à 2011, et Mémoires vives de 2013 à 2016.
Grande défenseure de l’importance des arts dans la société moderne, elle occupe le poste de directrice générale de l’École nationale de théâtre de 1991 à 1997, puis de directrice artistique de 1997 à 2000. Avec ses talents, son expérience et sa passion débordante pour l’art avec un grand « A », elle transmet son savoir et inspire une toute nouvelle génération d’acteurs et d’actrices.
Nommée Officier de l’Ordre du Canada en 1979, puis Compagnon en 1993, elle est également membre de la Société royale du Canada (2006), grande officière de l’Ordre national du Québec (2010) et Compagne de l’Ordre des arts et des lettres du Québec (2015). Elle a remporté durant sa carrière de nombreuses distinctions, notamment deux prix Génie (1992 et 1999), deux prix Gémeaux (2007 et 2009), le prix Denise Pelletier (1993), le prix Gascon-Roux du Théâtre du Nouveau Monde (1993), le prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle et de la réalisation artistique (1993) et le prix Gascon-Thomas de l’École nationale de théâtre (2008).
Décédée en 2020 à l’âge de 89 ans, Monique Mercure était et demeure l’une des actrices canadiennes les plus reconnues et célébrées internationalement. Enseignante et actrice de théâtre reconnue, son amie Markita Boies voit dans l’émission d’un timbre à son effigie une reconnaissance absolument unique qui permet de cristalliser son œuvre et la personne qu’était Monique Mercure. « Voilà une façon d’estampiller cette trajectoire lumineuse, fabuleuse et constante dans le talent, dans la générosité et la beauté. Ça, c’est ma Monique. »
Un nouveau timbre rend hommage à l’actrice Monique Mercure
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