Depuis longtemps, le Canada se démarque sur la scène mondiale grâce à ses innovations technologiques dans le domaine de l’aviation. Par leur audace, des pionniers bien de chez nous ont conquis le ciel alors que le vol en avion n’en était qu’à ses débuts. Ils ont également contribué considérablement aux avancées qui ont permis à notre pays de se bâtir une réputation de visionnaire.
Les plus récents timbres de Postes Canada, qui constituent le deuxième volet de la série Exploits de l’aviation canadienne lancée en 2019, soulignent d’importantes réalisations aéronautiques. Ils mettent en vedette les contributions historiques d’une grande pilote, un avion de brousse légendaire, ainsi que trois avancées technologiques exceptionnelles.
Violet (Vi) Milstead
C’est en voyant un petit avion survoler un match de football à l’école secondaire que vient à Violet (Vi) Milstead (1919-2014), alors adolescente, l’envie d’en piloter un.
« La vocation de pilote est dans une classe à part, dit-elle plus tard à Shirley Render, auteure de No Place for a Lady : The Story of Canadian Women Pilots, 1928-1992. C’est une profession qui procure une satisfaction indescriptible, offerte par aucun autre métier. »
Vi Milstead naît et grandit à Toronto, en Ontario. À l’âge de 15 ans, elle quitte les bancs d’école pour travailler dans le magasin de laine de sa mère pendant la Grande Dépression. Déterminée à voler, elle économise pour suivre des cours de pilotage, qu’elle entreprend le 4 septembre 1939.
Sept mois plus tard, Vi Milstead obtient ses licences de pilote privée et de pilote professionnelle, puis, peu de temps après, sa qualification d’instructrice. Elle enseigne au Barker Field de Toronto jusqu’à ce que le carburant d’aviation soit rationné pendant la Seconde Guerre mondiale.
En 1943, Vi Milstead se joint à l’organisation civile britannique Air Transport Auxiliary (ATA) et transporte des aéronefs militaires entre les usines et les escadrons de première ligne. Les pilotes de l’ATA, dont 168 femmes, sont à l’époque exemptés du service militaire en raison d’une invalidité, de leur âge ou d’autres restrictions.
« Des femmes qui pilotaient des aéronefs militaires, c’était quelque chose de tout à fait révolutionnaire », explique Joyce Spring dans le documentaire Women of WWII : Spitfires in the rhododendrons.
Vi Milstead, l’une des seules canadiennes de l’ATA, pilote 47 types d’aéronefs, de chasseurs monomoteurs à de gros bombardiers multimoteurs. Cumulant plus de 600 heures de vol à bord de Spitfire, de Mosquito, de Beaufighter, de Hawker Tempest et de Hellcat, elle devient la Canadienne avec le plus d’ancienneté au sein de l’organisation.
Les pilotes de l’ATA, qui livrent 147 types d’aéronefs classés en six catégories, reçoivent une formation spécifique à ces différentes classifications. Ils s’entraînent d’abord sur des monomoteurs, puis des chasseurs monomoteurs et des multimoteurs. Ils gardent avec eux un livret de renseignements clés sur les avions de chaque classe, et doivent à l’occasion livrer des appareils qu’ils n’ont jamais pilotés avant.
Du haut de ses 5 pi 2, Vi Milstead doit parfois s’asseoir sur un parachute plié ou sur son sac de voyage en cuir noir pour être à la hauteur des hublots dans certains aéronefs. Pour éviter d’être entendus, les pilotes auxiliaires doivent aussi voler sans utiliser de radio. Ils s’orientent alors à l’estime, à l’aide de cartes et de compas.
En 1945, Vi Milstead revient au Canada et enseigne au Barker Field, où elle rencontre son futur époux, Arnold Warren. En 1947, le couple s’installe à Sudbury pour travailler à Nickel Belt Airways, où ils enseignent et volent à titre de pilotes de brousse.
Vi Milstead est l’une des premières pilotes de brousse au Canada, et elle transporte notamment des mineurs, des bûcherons, des chasseurs et des pêcheurs tout en surveillant les feux de forêt.
« Vi était une source d’inspiration pour les jeunes femmes parce qu’elle savait s’épanouir dans un monde masculin tout en conservant une part de féminité, explique la romancière Jane Urquhart, une parente éloignée. Elle n’a jamais douté de ses aptitudes. »
Membre de l’Ordre du Canada, Vi Milstead est intronisée au Panthéon de l’aviation du Canada et reçoit, entre autres honneurs, l’Amelia Earhart Medal.
Le DHC-2 Beaver de la compagnie de Havilland Canada
L’une des dix plus grandes réalisations d’ingénierie canadiennes du XXe siècle, le DHC-2 Beaver est considéré comme le meilleur avion de brousse jamais construit. Capable de décoller et d’atterrir sur de courtes distances, et pouvant être équipé de roues, de flotteurs ou de skis, il s’agit de l’appareil idéal pour atteindre les régions éloignées du pays.
Vers la fin de la Seconde Guerre mondiale, de Havilland Canada se lance dans la conception d’un avion robuste et fiable pour remplacer celui en bois couvert de tissu ayant aidé à avoir accès au nord du pays.
L’entreprise consulte l’Ontario Provincial Air Service et des pilotes de brousse, notamment l’as et le pionnier de l’aviation décoré durant la Première Guerre mondiale C. H. « Punch » Dickins. (Un timbre a été consacré à Punch Dickins dans le premier volet de la série Exploits de l’aviation canadienne.) Leurs recommandations, recueillies par le truchement d’un questionnaire, orientent ensuite la conception de l’appareil.
Le résultat est un avion monomoteur à aile haute et hélice entièrement fait de métal, pouvant transporter jusqu’à neuf passagers ou du fret en vrac. Le directeur général de la société de Havilland Canada, Phillip Garratt, le décrit comme « une camionnette volante d’une demi‑tonne ».
Le nouvel appareil effectue son premier vol le 16 août 1947, et de Havilland Canada construit un total de 1 692 Beaver (dont 60 propulsés par des turbines) qu’elle livre dans 62 pays. Le constructeur cesse éventuellement la production en 1968.
L’aéronef vole partout dans le monde, des lacs du parc provincial Algonquin aux champs agricoles de Nouvelle-Zélande en passant par l’Afrique, la cordillère des Andes, l’Arctique et l’Antarctique, où l’on nomme un lac, une île et deux glaciers en son honneur pour souligner l’importance du service qu’il fournit dans la région. Il est aussi largement utilisé durant la guerre de Corée par l’armée américaine.
Encore aujourd’hui, on l’utilise pour effectuer des patrouilles en forêt, de l’arrosage aérien, de la photographie aérienne, de l’empoissonnement aérien, du poudrage aérien des cultures et de la livraison de marchandises.
Kenneth Patrick et le simulateur de vol de CAE
L’ancien officier de l’Aviation royale canadienne (ARC) Kenneth Patrick (1915-2002), de Saint John, au Nouveau-Brunswick, fonde Canadian Aviation Electronics Ltd. (aujourd’hui CAE Inc.) il y a 75 ans. Son objectif est alors de « créer quelque chose de canadien et tirer avantage d’une équipe formée à la guerre extrêmement innovatrice et très axée sur la technologie ».
CAE se lance d’abord dans la réparation, la réfection et l’installation d’équipement de communication au sol et de parcs d’antennes en Arctique pour l’ARC. En 1952, l’entreprise décroche son premier contrat pour mettre au point et construire un simulateur de vol CF-100 pour l’ARC, c’est-à-dire une unité de formation autonome reproduisant le poste de pilotage de l’aéronef et toutes les situations et conditions auxquelles les pilotes peuvent être confrontés. Le projet permet l’élaboration et la mise à l’essai de nouvelles techniques et méthodes qui améliorent la précision du simulateur.
En 1954, l’entreprise passe d’une équipe de 18 personnes travaillant depuis un hangar d’aéronefs vacant à Saint-Hubert, au Québec, à un effectif de 500 employés dans une nouvelle installation adjacente à l’aéroport Dorval de Montréal (aujourd’hui l’aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau). L’année suivante, la compagnie aérienne Canadien Pacifique confie à CAE la conception du premier simulateur de vol canadien pour le DC-6B.
En 1962, CAE fait son entrée dans le secteur de la technologie numérique pour tenter d’acquérir une plus grande part du marché. La transition mène à des percées révolutionnaires dans les systèmes visuels et la technologie du mouvement.
Dans les années 1970, CAE poursuit son expansion et reçoit des commandes pour des simulateurs d’hélicoptères et de formation pour les centrales électriques, et même pour de l’équipement postal mécanique pour la Société canadienne des postes. En 1976, l’entreprise reçoit le mandat de concevoir un simulateur reproduisant les fonctionnalités du Canadarm qui allait servir à entraîner les astronautes à son utilisation pour la navette spatiale de la NASA.
Au début des années 1980, CAE met au point un simulateur de vol si réaliste que les pilotes n’ont plus à suivre toute leur formation à bord de véritables aéronefs. En 1983, elle devient la première entreprise à livrer un simulateur de vol, pour un Boeing 757, avant même la certification de l’appareil.
Si l’avion est aujourd’hui le mode de transport le plus sécuritaire, c’est en partie dû au fait que les pilotes professionnels s’entraînent sur des simulateurs de vol, la plupart produits par CAE, un chef de file mondial de la formation dans les domaines de l’aviation civile, de la défense, de la sécurité et des soins de santé.
W. Rupert Turnbull et l’hélice à pas variable
Né à Saint John, au Nouveau-Brunswick, W. Rupert Turnbull (1870-1954) est un pionnier de l’ingénierie aéronautique. Il travaille dans une grange aménagée à Rothesay, une banlieue de sa ville natale, quand il met au point un appareil qui améliore considérablement l’efficacité d’un avion.
Il obtient un diplôme en génie mécanique de l’Université Cornell en 1893, puis fait des études supérieures en physique à l’université de Berlin. Il travaille ensuite pendant six ans chez Edison Lamp Works, au New Jersey, avant de revenir au Nouveau-Brunswick, où il établit son propre laboratoire et son service de consultation en ingénierie.
En 1902, Rupert Turnbull construit la première soufflerie aérodynamique du Canada et passe la décennie suivante à étudier la stabilité des aéronefs et les profils aérodynamiques. Il mène également des expérimentations avec des solutions pour la portance, des moteurs à combustion interne, des turbines et des hydroplanes. Il publie des constats importants dans des revues aéronautiques des États-Unis et de la Grande-Bretagne.
Pendant la Première Guerre mondiale, il aide les fabricants d’aéronefs en Angleterre et commence à travailler sur un mécanisme pour contrôler le pas en plein vol. Plusieurs années plus tard, il met au point sa réalisation la plus remarquable, l’hélice à pas variable. Cette invention permet aux pilotes d’ajuster l’angle, c’est-à-dire le pas, des pales pendant le vol, ce qui équivaut à changer de vitesse dans une voiture.
Le dispositif améliore l’efficacité de l’aéronef, puisque le pas qui convient le mieux au décollage ou à l’ascension diffère de celui qui est nécessaire au vol à différentes altitudes. Breveté en 1922, il est mis à l’essai avec succès au sol et dans les airs à la Base des Forces canadiennes Borden, en Ontario. Les droits de brevet sont par la suite vendus à la société américaine Curtiss-Wright Corporation, qui produit des milliers d’hélices inspirées de l’invention de Rupert Turnbull.
L’inventeur est honoré à maintes reprises pour ses avancées en aviation. Entre autres, il reçoit la médaille de bronze de l’Aeronautical Society of Great Britain et il est intronisé à titre posthume au Panthéon de l’aviation du Canada.
Wilbur R. Franks et la combinaison anti-g
Né à Weston, en Ontario, le Dr Wilbur Rounding Franks (1901-1986) met au point le premier vêtement anti-gravité au monde, utilisé au combat pendant la Seconde Guerre mondiale, et la première centrifugeuse humaine canadienne permettant de le tester.
Il est chercheur à l’Université de Toronto en 1939 lorsqu’on l’invite à se joindre à l’équipe de recherche en médecine aéronautique du Dr Frederick Banting. À la demande du Corps médical de l’armée royale canadienne, l’équipe étudiait les risques mortels associés aux manœuvres aériennes à haute vitesse. Les importantes forces gravitationnelles (forces g), qui empêchent le cœur d’envoyer assez de sang au cerveau, faisaient perdre connaissance aux pilotes.
Ayant déjà réussi à empêcher l’éclatement de tubes d’essai dans des centrifugeuses en les insérant dans de plus grands tubes remplis d’eau, le Dr Franks met au point une combinaison de vol en caoutchouc doublée de poches remplies d’eau créant une pression hydrostatique suffisante pour contrer les forces g.
La combinaison, nommée « Franks Flying Suit » est utilisée pour la première fois pendant le débarquement en Afrique du Nord, en 1942. Les fondements de l’invention du Dr Franks sont toujours utilisés aujourd’hui par les pilotes de l’armée de l’air, les cosmonautes et les astronautes de partout dans le monde.
Pour son travail d’avant-garde en médecine aérospatiale, le Dr Franks est nommé Officier de l’Ordre de l’Empire britannique et reçoit la Légion du mérite des forces armées américaines. Il reçoit également deux prix de l’Association de médecine aéronautique et spatiale, et est intronisé au Panthéon de l’aviation du Canada en 1983.
La Société canadienne de médecine aérospatiale a créé le prix Wilbur R. Franks et l’École de survie et de médecine de l’air des Forces canadiennes à Winnipeg est dédiée à sa mémoire.
L’émission Exploits de l’aviation canadienne célèbre des réalisations de haute voltige
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