Quand je veux de l’eau – des leçons de personnalisation tirées d’émissions télé des années 90

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Nous avons tous des scènes d’émissions télé qui nous ont marquées. Références à une bonne blague ou purs souvenirs nostalgiques, ils ressurgissent régulièrement dans nos discussions. Ça se présente souvent ainsi : « Te souviens-tu de la fois où Chris Farley a interviewé Paul McCartney à SNL? ». Immanquablement, elles vont déclencher un bon fou rire complice et de longues discussions à ce sujet.

Ça m’arrive aussi. Mais dans mon cas, le souvenir qui me revient constamment à l’esprit provient d’une pub de bière.


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Au milieu des années 90, la bière légère s’imposait comme le segment le plus populaire partout en Amérique, sauf au Canada. Nos goûts en matière de bière étaient plus raffinés, nous trouvions tous que la bière légère goûtait l’eau. Arrive alors cette publicité de Bleue Légère où on voit Tom Cavanagh devant les chutes du Niagara nous avouant qu’elles lui rappellent le goût des bières légères. Mais il en profite pour nous rappeler que contrairement à ces produits fades, la Bleue Légère goûtait la bière, elle. « Quand je veux de l’eau, je commande de l’eau. »

Je ne sais pas pourquoi j’ai accroché sur cette ligne. Sa simplicité, j’imagine; à l’époque, je n’avais pas les connaissances en marketing pour apprécier les différents niveaux de réflexion qui avaient mené à ce slogan publicitaire. Mais avec le recul, cela me rappelle que le fait que les gens savent très bien ce qu’ils veulent est un principe que nous, les spécialistes du publipostage, oublions parfois.

Histoire de nourrir notre réflexion sur la personnalisation, voici d’autres leçons tirées de la télé des années 90.

Leçon #1 : Homer

Nous en sommes à la saison 34 des Simpson, mais cette leçon fait référence à l’épisode 9 de la première saison. C’est l’anniversaire de Marge. Homer lui achète un cadeau, une boule de quilles avec son propre nom inscrit dessus! Ridiculement désopilant, certes, mais regardons la scène par le prisme de la personnalisation.

C’était le début des années 90. Un courriel était encore un « courrier électronique ». Le marketing direct faisait fureur et l’impression du prénom du récipiendaire sur l’article de publipostage annonçait les possibilités de la personnalisation. L’idée d’inscrire un prénom sur une boule de quilles offerte en cadeau n’était donc pas mauvaise en soi. C’était juste le mauvais nom. Et le mauvais cadeau.

Cette leçon ne porte pas autant sur la personnalisation que sur l’importance des données dans l’élaboration d’une stratégie de personnalisation. Homer n’a jamais cherché à savoir ce que Marge désirait pour son anniversaire. Il n’a pas pris de notes. Il ne lui a jamais demandé. Pourtant, la bonne question, posée de la bonne façon, aurait tout changé.

L’élément de personnalisation à retenir : dans toute relation solide, y compris celle entre une marque et sa clientèle, il y a des moments où l’accent doit être mis sur ce que l’autre veut, et non pas sur ce que nous voulons, nous.

Leçon #2 : Moviefone

Seinfeld est ma série préférée des années 90. Cette leçon fait référence à l’épisode 8 de la septième saison. Il met en scène Kramer, l’un des personnages principaux. Excentrique, direct, mais attentionné, il est celui qui débarque toujours avec une nouvelle idée.

Kramer vient d’obtenir un nouveau numéro de téléphone qui, à un chiffre près, est celui de Moviefone (un service téléphonique automatisé pour trouver les salles de cinéma où sont présentés des films et les horaires de projection). Comme de plus en plus de personnes appellent Kramer par erreur, il se met à jouer le jeu. George (un autre des personnages principaux) est l’un de ces appelants. « En utilisant les touches de votre appareil, veuillez entrer les trois premières lettres du titre du film maintenant. » Après avoir écouté quelques bips et essayé sans succès de deviner le film recherché par George, Kramer finit par dire : « Pourquoi ne me dites-vous pas simplement le nom du film que vous cherchez? », en imitant la voix de l’assistant automatisé.

Ça m’a fait hurler de rire, mais en même temps, il y a quelque chose de très pertinent dans cette situation.

L’élément de personnalisation à retenir : parfois, le moyen le plus facile d’obtenir l’information nécessaire pour personnaliser une expérience est tout simplement de le demander.

Leçon #3 : Central Perk

Comment écrire sur les émissions des années 90 sans faire référence à l’une des plus grandes séries télé de tous les temps, Friends?

C’est la première saison. Nous sommes à l’épisode 3 et nous apprenons à connaître les six personnages principaux.

Le café Central Perk est l’un des principaux décors de la série.  Rachel, qui travaille au café, apporte des boissons à Joey, Ross, Chandler et Monica. Un cappuccino déca pour Joey. Un café noir pour Ross. Un latte pour Chandler et un thé glacé pour Monica. « Je m’en viens bonne dans le service », se réjouit Rachel. Quand elle se retourne, les quatre personnages s’échangent leurs boissons pour que chacun ait celle qu’il a commandée. Les rires en boîte fusent.

C’est drôle parce que nous avons tous vécu cela : se tromper en se souvenant de quelque chose à propos de quelqu’un, ou être l’objet de l’erreur.

L’élément de personnalisation à retenir : si vous demandez quelque chose à une personne, assurez-vous d’utiliser cette information adéquatement par la suite.

Voilà de beaux souvenirs, mais quel est le rapport avec le publipostage d’aujourd’hui, vous demandez-vous? Pour moi, c’est une question de tension entre l’innovation et l’intention. Malgré la sophistication des outils de personnalisation, il peut arriver que l’intention de la personnalisation soit floue, voire qu’elle échoue carrément. Lorsque notre attention se porte sur la technologie et non pas sur les gens, la personnalisation peut rapidement devenir artificielle.

J’avoue, mes exemples sont un peu gros. Mais ils sont liés à des vérités de la vie qui rendent ces émissions si passionnantes. C’est pourquoi nous les aimons tant. En revoyant ces émissions et ces publicités d’il y a 30 ans, j’ai été frappé par une chose : poser les bonnes questions et y répondre est un élément fondamental dans l’établissement de relations sur lequel nous devrions nous pencher, encore plus aujourd’hui, alors que toutes les marques cherchent à établir de meilleures relations à long terme avec leur clientèle.

Application #1 : les données fournies volontairement

En tant que spécialistes du marketing direct, nous sommes des experts dans l’exploitation de données de toutes sortes : les témoins tiers, les données internes, structurées, non structurées, etc.

Depuis quelques années, il y a une demande grandissante en faveur de l’utilisation de données fournies volontairement. Cela consiste à demander directement aux gens ce qu’ils aiment, ce qu’ils recherchent, ce qu’ils préfèrent. Et à élaborer ensuite des communications, du contenu et des solutions qui répondent à leurs attentes.

C’est une approche à la fois personnalisée et personnelle. Comme un dialogue. Comme l’établissement d’une relation. Ça ne doit pas être ennuyeux. Ça ne doit pas ressembler à un long sondage avec des questions à choix multiples, mais plutôt être une expérience créative et engageante.

Pensez à Sephora et à sa gamme de questionnaires, et à la brillante utilisation de son programme de fidélisation Beauty Insider, où les données fournies volontairement sont utilisées pour créer du contenu vraiment individualisé. La clé consiste à poser les bonnes questions, et à mieux les poser.

Application #2 : l’IA comme fournisseur de solutions

Il ne suffit pas de poser des questions. Il faut utiliser les réponses intelligemment. Voici deux exemples probants. Les deux reposent sur une question et une solution communes :

Mercedes-Benz a récemment lancé un véhicule capable d’adapter toute l’expérience de conduite (éclairage, odeur, musique) à votre humeur.

Lors du salon Consumer Electronics Show de cette année, BMW a présenté une technologie de changement de couleur. Avec un choix de 32 couleurs et 240 segments, vous avez un nombre presque infini d’options de couleur pour votre voiture.

Pensez-y : vous vous asseyez au volant, et votre voiture vous demande quel genre de journée vous passez. Vous répondez et la couleur extérieure change immédiatement pour refléter votre humeur joyeuse ou sombre, l’éclairage de la voiture s’ajuste en conséquence, la sélection musicale se personnalise. Soudainement, conduire devient une expérience totalement personnalisée.

Une simple question, qui lorsqu’elle est associée à une innovation technologique qui réagit adéquatement en temps réel, vous permet d’offrir une solution très personnelle.

Application #3 : l’IA comme fournisseur de solutions

Microsoft a récemment lancé une version exploratoire de Bing, optimisée par les algorithmes d’OpenAI utilisés dans ChatGPT. Bing propose deux modes : l’un s’apparente à une recherche traditionnelle, l’autre est davantage axé sur le clavardage. Certains ajustements sont encore nécessaires, mais ce deuxième mode va changer la donne.

Les moteurs de recherche sont un élément fondamental de l’expérience numérique, mais leur fonctionnement a peu évolué. Certains d’entre nous sont plus doués que d’autres pour taper des questions dans Google, mais en général, on n’y pense pas trop. Mais alors que l’IA entre en scène avec un mode conversationnel, la façon dont nous posons les questions va soudainement prendre une plus grande importance.

Parlant de questions, en voici deux pour vous. Est-ce que votre marque aide les gens à poser de meilleures questions? Êtes-vous en position de vous adapter à la nouvelle façon dont les gens vont poser leurs questions?

Le mot de la fin

Nous sommes à l’aube d’un changement marquant dans les technologies marketing. Ces innovations nécessiteront une mise à niveau importante des systèmes et des données. Mais ultimement, le but demeure le même : chercher à comprendre les gens, leur façon de penser et la façon dont ils voient le monde.

Parfois, les gens veulent des choses uniques et complexes.

Parfois, ils veulent juste de l’eau.

Et parfois, la meilleure façon de le savoir, c’est tout simplement de leur demander.

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Jeremy Ages est directeur stratégique à TrackDDB. Responsables de l’exploitation des données sur la clientèle et sur le parcours d’achat, Jeremy et son équipe ont une connaissance approfondie de l’art de combiner analyse, technologie, stratégie et création pour concevoir des stratégies de communication qui valorisent les marques et permettent d’atteindre les objectifs commerciaux. Jeremy et son équipe travaillent actuellement avec McDonald’s, Samsung, JetBlue, Mercedes-Benz et d’autres grandes entreprises.Lire d’autres textes de Jeremy Ages