Données et identité : Redéfinir son marché cible dans un monde postpandémique

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Au cours de la pandémie, les habitudes de consommation ont changé. Les gens ont de nouveaux besoins, ils ont essayé de nouvelles marques, ils ont adopté de nouveaux comportements d’achat. Ils ne s’arrêtent plus aux mêmes magasins en revenant du travail pour faire leur course – lorsqu’ils se rendent au travail. Et plus que jamais, ils achètent en ligne.

Ces profonds changements ont affecté l’identité de la clientèle.

Pour assurer leur bonne suite, les marques regardent de près cette nouvelle réalité et cherchent à s’y adapter. Cela les amène à redéfinir leur public cible et à revoir leurs stratégies d’engagement. Elles découvrent de nouvelles façons de renforcer les liens avec la clientèle actuelle et des occasions de se rapprocher d’une nouvelle clientèle.

Sophie DeLadurantaye, directrice, Solution de données à Postes Canada, s’est entretenue avec quatre experts en données. Ensemble, ils ont discuté des données liées à l’identité, de segmentation et de l’importance d’approcher les données de façon novatrice, afin d’affiner le ciblage.

Richard Boire | Président, Boire Analytics

Allen Davidov | Premier vice-président et chef des services professionnels, Environics Analytics

Tim Leys | PDG et directeur des données, CiG

Emma Warrillow | Première vice-présidente, Données et analytique, Shift Paradigm

À l’ère du marketing basé sur les données et de l’analyse prédicive, la récence, la fréquence et les modèles de valeurs monétaires sont-ils encore pertinents?

LEYS | Les méthodes RFM (récence, fréquence, monétaire) demeurent importantes dans le développement des algorithmes de notation pour le ciblage de la clientèle actuelle, les habitudes d’achat et les modèles de rentabilité. Cependant, elles ne doivent pas être le seul outil, car elles ne traitent que de transactions et non pas de la clientèle elle-même.

DAVIDOV | Elles ne constituent plus la seule approche. Elles sont maintenant considérées comme un moyen additionnel de cibler une clientèle particulière qui, autrement, n’aurait pas été considérée. Avec l’ajout de la segmentation et des données tierces – incluant les données démographiques, comportementales, psychographiques et mobiles –, les marques peuvent maintenant établir un tableau complet de l’identité de leur clientèle.

BOIRE | Mais ces techniques peuvent encore être la base des stratégies de ciblage de certaines organisations. Pourquoi? Parce que leurs mesures sont basées sur des comportements antérieurs. Dans une perspective d’affinage des capacités de ciblage, ces méthodes demeurent supérieures auxtechniques de modélisation avec intelligence artificielle.

WARRILLOW | Avec l’accès à des données plus complètes, les marques peuvent faire une segmentation plus poussée. Mais il est utile de tester la pertinence des méthodes RFM en fonction de sa propre réalité; pour certaines industries, ces méthodes sont encore tout à fait adéquates. Pour les levées de fonds, par exemple, les montants des dons passés, la récence et les habitudes de dons sont généralement de bons indicateurs des comportements à venir. Mais en ne se fiant qu’à ces méthodes, les organismes de bienfaisance peuvent passer à côté d’une personne qui ferait un plus gros don, si elle était sollicitée.

La pandémie a affecté l’identité de la clientèle. Découvrez comment joindre cette dernière.

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Peut-on tirer des renseignements plus détaillés des données transactionnelles?

WARRILLOW | Les données transactionnelles sont un élément important pour comprendre la clientèle, mais elles gagnent à être étoffées. On doit y inclure les données comportementales en provenance de tous les canaux : les clics, l’activité sur le site Web et dans les centres d’appels, les messages texte, la localisation du téléphone cellulaire, les réponses aux sondages… Les données tierces peuvent aussi être associées aux codes postaux de la clientèle pour en tirer plus de renseignements. Certaines marques ont aussi accès à d’autres données tierces par leurs programmes de fidélisation ou leurs affiliations sectorielles. Associées à la clientèle, ces données s’avèrent précieuses.

LEYS | Il y a deux approches. La méthode traditionnelle nécessite des ressources internes et des licences d’utilisation des données dispendieuses. La méthode émergente requiert de s’abonner à une plateforme d’informations offrant des données tierces en tant que service et un flux de travail automatisé intégré pour ajouter ses propres données internes à celles de la plateforme, au moyen d’un identifiant commun (les codes postaux). Le rehaussement des données constitue la première étape, mais la véritable occasion à saisir est de profiler de nouveaux publics à grande échelle. L’appariement des personnes semblables, l’élaboration de programmes de déclenchement automatisé et l’amélioration des données de géolocalisation sont toutes possibles avec ces plateformes.

BOIRE | L’utilisation des données comportementales, y compris la navigation sur Internet, est tributaire des actions antérieures des gens pour prévoir ce qu’ils feront dans le futur. Les données tierces géodémographiques sont une source additionnelle importante de renseignements puisqu’elles permettent d’analyser les profils démographiques associés au lieu de résidence de la clientèle.

DAVIDOV | On peut aussi penser aux données tierces respectueuses de la vie privée. Ce type de données permet d’étoffer les renseignements – compte tenu de la limitation des données associées aux transactions – et aide à mieux comprendre, mobiliser et atteindre sa clientèle. Équipées de données démographiques, comportementales, psychographiques, financières et relatives à la mobilité, les marques peuvent élaborer de meilleures stratégies pour chaque persona et mettre sur pied des campagnes plus efficaces en ce qui a trait au canal, au lieu et à la teneur du message. Il s’agit en fait de remplacer une approche trop large par une approche mieux ciblée, plus personnalisée.


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Comment les marques peuvent-elles utiliser les données pour mieux communiquer tout au long du parcours client?

WARRILLOW | En recueillant les données à travers le parcours client, on peut mieux comprendre le moment où les gens sont prêts à recevoir à un message, et l’adapter en conséquence. Cela veut dire qu’on doit être à l’affût d’informations reliées à des événements précis. Par exemple, plutôt que de se baser sur de vagues prédictions pour déterminer à quel moment une personne se mariera, on utilisera des données de visite de sites Web de mariage pour l’établir.

LEYS | Il existe énormément de méthodes, mais j’affectionne particulièrement les programmes qui sont déclenchés par des événements de la vie. Pour élaborer un programme de déclenchement évolutif, on doit pouvoir déceler dans les données des signaux annonciateurs d’un certain changement de style de vie correspondant à son produit ou son service. Prenons un déménagement : le magasinage d’une hypothèque, la réservation d’un déménageur, la souscription d’une assurance et le changement des serrures de portes sont toutes autant d’occasions à saisir. L’accès à des données sur les personnes qui s’apprêtent à déménager permet d’étendre considérablement la portée des programmes basés sur des déclencheurs.

DAVIDOV | Avec l’accès à toutes ces données, surtout les données tierces, on devient plus précis au moment d’établir et d’optimiser les étapes du parcours d’achat. On comprend mieux les habitudes média des gens, y compris en ligne et sur les médias sociaux, et on est donc plus à même d’utiliser le bon média au bon moment. En y ajoutant des attributs psychographiques précis, on peut se présenter de manière plus attrayante et favoriser une action spécifique.

BOIRE | Cette question renvoie à la notion de changement et au repérage de ces changements. Depuis de nombreuses années, mon entreprise de services-conseils préconise l’utilisation d’approches qui permettent de déceler certains types de changements chez la clientèle à l’aide de simples statistiques.

Comment les données et le marketing direct permettent-il d’utiliser la personnalisation à plus grande échelle?

DAVIDOV | Avec l’augmentation du volume des données recueillies, les marques disposent de nouveaux moyens de cibler une clientèle en temps réel, grâce aux technologies de personnalisation à grande échelle. En connectant les API à des interfaces externes et en utilisant des données respectueuses de la vie privée ou des piles de solutions technologiques marketing, les marques peuvent envoyer un article de publipostage personnalisé à une personne tout juste après sa visite en magasin ou sur un site Web. Les chances d’obtenir une réponse positive augmentent considérablement lorsque l’on intervient au moment où une personne interagit avec une marque.

LEYS | Oui, les données et la segmentation peuvent rendre vos offres plus attrayantes, mais la véritable occasion à saisir est de connecter les médias utilisés. Nous devons repenser nos actions en fonction des gens afin de les joindre au bon moment et au bon endroit. Aujourd’hui, nous pouvons relier adresses physiques, adresses IP et appareils mobiles, ce qui nous permet d’améliorer la précision du publipostage, en le connectant à l’identité numérique d’un public cible défini.

WARRILLOW | Plusieurs marques utilisent des plateformes de données sur la clientèle pour recueillir et organiser les renseignements afin d’étendre leurs campagnes sur plusieurs canaux. La clé du succès, c’est de déterminer quels médias utiliser dans le cadre de chaque campagne et de bien comprendre comment les canaux peuvent se compléter. Avec des données en temps réel, les communications peuvent être hyperpersonnalisées et donc plus opportunes. Et même si le déploiement des campagnes se fait souvent en ligne, ces informations gagnent à être utilisées pour envoyer des communications physiques pertinentes aux bonnes personnes.

BOIRE | Ne perdons pas de vue que ces nouveaux outils sont utilisés par un être humain. C’est cette personne qui doit décider comment utiliser ces outils pour résoudre le bon problème.

Comment aborder la segmentation de marché dans un contexte postpandémique?

LEYS | Peu importe ce que l’on vend, notre clientèle – actuelle ou future – habite quelque part. Le virage numérique nous a fait passer à côté d’une des façons les plus précises d’améliorer la qualité du ciblage, soit la géographie. Les adresses civiques et les codes postaux offrent un identificateur commun puissant pour lier ensemble stratégies, médias et clientèle d’une façon qui peut être ciblée et mesurée.

DAVIDOV | Il est important de garder à l’esprit que les valeurs des gens ne changent pas, il n’y a que leur engagement qui change. Ce qui est important pour eux, ce qui va retenir leur attention, cela ne changera pas. Il faut donc passer plus de temps à comprendre les données psychographiques pour conserver sa clientèle et en attirer une nouvelle.

BOIRE | J’ai toujours vivement encouragé l’analyse de la migration de la clientèle. Plus les bouleversements sont grands, plus sa pertinence se révèle. Ce fut le cas lors du 11 septembre 2001 quand, à titre d’analystes, nous avons conseillé nos clients sur les mouvements migratoires de la clientèle avant et après cette catastrophe. Il est clair que la COVID-19 a provoqué des changements de comportement tout aussi importants.

WARRILLOW | Les marques doivent tenir compte de ce que disent les données. Les habitudes de consommation ont changé et continueront de le faire; certains de ces changements sont permanents, mais d’autres seront temporaires. C’est pourquoi nous recommandons à nos clients de considérer la segmentation dans une perspective tant comportementale que psychologique. En combinant la recherche à l’analyse des données, ils peuvent repérer ce qui importe le plus à leur clientèle. Une segmentation de marché adoptant cette vision holistique sera toujours plus efficace.

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