Mary Jo Dorval aime revoir les codes de la mode.
« On crée des styles modernes et intemporels dans un souci d’égalité des sexes, en espérant qu’ils plairont à la nouvelle génération de parents qui veulent inculquer des valeurs écologiques et égalitaires à leurs enfants », explique la fondatrice de Trucs d’enfants (Kid’s Stuff dans les marchés anglophones).
Qu’il s’agisse d’effacer les normes de genre ou de promouvoir la mode responsable, elle est ouvertement déterminée à redéfinir les règles du jeu, une collection à la fois. Mais pour être honnête, elle ne voit pas de mal à ce qu’on achète ses vêtements tout simplement parce qu’ils sont beaux.
Ajouter de la valeur à la mode enfantine
Mary Jo est passionnée par les vêtements d’enfants depuis qu’elle est toute petite.
Même sans machine à coudre, la fillette réussissait à bricoler des styles originaux pour ses poupées, qu’elle créait à partir de bouts de tissu, de papier de soie et de tout ce qui pouvait lui tomber sous la main. Avec ses camarades de jeu, elle faisait rayonner ses œuvres dans des défilés et des magazines de mode faits maison.
« Je crois que j’ai gardé mon cœur d’enfant », illustre-t-elle.
À 19 ans, Mary Jo a commencé ses études en mode, et plus tard en commercialisation de la mode, pour apprendre à conjuguer l’aspect artistique et l’aspect marchand de sa passion. Peu après, elle faisait ses premières ventes dans des boutiques éphémères et des marchés : d’abord des vêtements pour femmes, puis pour enfants.
Le marché de la mode féminine était saturé, mais Mary Jo a décelé un besoin du côté de la mode enfantine, où abondaient les logos criards et les tenues genrées faites de matériaux de piètre qualité. Encouragée par son entourage et sa clientèle, elle s’est lancée dans la transformation de ce marché.
J’ai vu qu’il y avait un manque, et je me suis mise à chercher un moyen de créer des vêtements simples et fonctionnels qui faciliteraient la vie des parents tout en alimentant la réflexion sur les stéréotypes sexuels.
Composer une marque intégrée
Aujourd’hui, Trucs d’enfants propose des vêtements unisexes et évolutifs, faits de tissus écoresponsables et confectionnés à la main à Montréal. Si la marque fait surtout dans la mode pour enfants, elle tient aussi une petite sélection de morceaux pour adultes.
Fondée en 2016, Trucs d’enfants mène ses activités depuis un local près de la rue Chabanel, en plein cœur de la Cité de la mode de Montréal, où Mary Jo supervise la conception et la production de ses collections saisonnières. La douzième coïncidait avec la période printemps-été 2022.
La première collection comprenait des pantalons, des chandails et des salopettes pour les bébés et les enfants de 4 ans et moins. À la demande de la clientèle, les suivantes incorporaient de nouveaux styles (shorts, robes et accessoires) et de nouvelles tailles, allant de nouveau-né à 8 ans.
Le premier commerce en ligne de la marque utilisait la plateforme Etsy, mais l’entrepreneure a vite préféré la flexibilité de Shopify. Et aujourd’hui, elle utilise en plus ShipStation pour accélérer les commandes, ainsi que les outils d’analyse de Google, Facebook et Instagram pour mieux cibler son public.
Hors ligne, Trucs d’enfants vend ses produits chez 30 détaillants au Québec, en Ontario, au Manitoba, en Alberta et en Colombie-Britannique, et à l’occasion dans des boutiques éphémères, principalement à Montréal et à Toronto. Ses ventes sont réparties également entre les trois canaux.
« Il y a un effet d’intégration, explique Mary-Jo. Les trois canaux sont interreliés; ils s’alimentent les uns les autres. »
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Consulter le magazineSe démarquer des commerces en ligne concurrents
Trucs d’enfants se sait différente de la concurrence – elle a été conçue comme ça.
Pour commencer, ses vêtements évolutifs grandissent avec l’enfant : les bandes de taille et de cheville se replient pour s’ajuster en longueur. Au contraire des vêtements ordinaires, ils durent longtemps et permettent aux parents d’acheter moins.
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Puis, il y a le choix de couleurs. Refusant la dichotomie bleu-rose que l’on connaît, Mary-Jo s’est éloignée des motifs voyants, des logos et des palettes genrées avec une proposition tout autre.
Prenons par exemple la collection d’automne 2021-2022. Pour les teintes, la créatrice s’est inspirée de ce qu’elle a cuisiné durant le confinement : biscuit, chocolat, cannelle, caramel, macaron… (Il y a aussi un marine, nom moins délicieusement évocateur.)
Cette approche de la couleur est devenue un grand attrait de la marque, mais le concept était avant-gardiste à l’origine.
« Certaines personnes s’y opposaient au début, explique Mary-Jo, mais au fil du temps, elles se sont habituées à l’idée et l’ont même acceptée. L’élimination des couleurs genrées choquait surtout les adultes. Les enfants, eux, veulent seulement avoir le choix; la couleur doit leur plaire à eux, et c’est tout. »
Par ailleurs, les tissus utilisés sont non seulement écologiques, mais aussi confortables et doux. C’est ce qui avait orienté le choix initial du bambou, auquel s’ajoute maintenant le lyocell.
« Il a fallu expliquer longuement le raisonnement derrière ces décisions, admet Mary-Jo. Mais l’idée était de donner le choix aux enfants. Et qu’est-ce qu’on aime le plus chez eux? Ils sont 100 % libres, passionnés et sans jugement. »
Une marque rassembleuse autour de la diversité et de l’inclusion
Mary Jo ne s’attend pas à ce que tout le monde pense comme elle.
« Trucs d’enfants n’est pas une marque élitiste. Moi, j’ai pensé à l’écologie, à l’égalité des sexes et au confort avant tout, mais les gens ont leurs propres motivations : ils trouvent ça joli, unisexe, original, innovant, différent de ce qu’ils trouvent dans les grands magasins… »
Cette diversité d’idées se reflète dans les évaluations de produits. Les fans de la marque mentionnent couramment le confort, la coupe et la taille évolutive. La convivialité du site Web reçoit aussi nombre de commentaires favorables, tout comme l’écoresponsabilité et la neutralité de genre de la collection.
Dans les cinq prochaines années, Mary Jo prévoit augmenter le nombre de collections et de vêtements offerts et agrandir son équipe. Elle espère ouvrir sa propre boutique à Montréal et étendre ses activités au pays et à l’international, en particulier aux États-Unis.
Et elle se réjouit que sa marque plaise à autant de gens différents.
« Mes clients n’ont pas besoin d’appartenir à un groupe précis. J’aime que certains croient au développement durable, par exemple. Mais j’aime aussi que d’autres nous choisissent parce qu’on est une bonne marque qui fait de bons produits. Je n’ai pas de clientèle définie. Le fait que je crée ces vêtements avec une certaine intention n’oblige personne à être d’accord avec moi. On peut acheter mes produits tout simplement parce qu’ils sont beaux. »
Principaux constats
Même dans un secteur d’activité classique, les marques novatrices ont leur place.
Lorsque bien intégrés, les canaux se relaient pour accroître la notoriété et augmenter les ventes.
On peut incarner et promouvoir ses valeurs sans aliéner sa clientèle cible.
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