Allier tradition et modernité : l’évolution numérique façon Harry Rosen

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Cet article figure dans le numéro d’automne 2020 du magazine Du monde en ligne jusqu’à vous. Lisez le numéro complet pour en savoir plus sur l’histoire de Harry Rosen et découvrir d’autres récits inspirants de réussite et de résilience.

En joignant l’équipe de direction de Harry Rosen, l’entreprise de son grand-père, Ian Rosen pensait conquérir le monde du numérique. Mission bientôt accomplie.

Au bout du fil, Ian Rosen est nostalgique du temps où il était commis de magasin. Il a le sourire dans la voix. Adolescent, il s’occupait des présentoirs chez Harry Rosen, la célèbre mercerie de sa famille. « C’était avant le commerce en ligne, à l’époque où les soldes d’après Noël étaient le moment fort de l’année. » Un moment fort, mais chaotique. Les gens décrochaient les pardessus pour en examiner les coutures et le tissu, puis les jetaient par terre. Ils dépliaient les chemises soigneusement placées sur les tables pour ensuite les laisser en boule. « Mon père et mon grand-père [le président-directeur général Larry Rosen et le fondateur Harry Rosen] étaient toujours là pour parler aux clients », se rappelle-t-il. Aujourd’hui vice-président au contenu numérique et aux stratégies, Ian Rosen a débuté en « refaisant les piles de chemises aussi vite que les clients les défaisaient ». Ce souvenir l’amuse.

Il arrive souvent que la troisième génération refuse de reprendre l’entreprise familiale. C’était le cas pour Ian Rosen.

Après ses années de commis, il étudie en affaires à l’Ivey Business School et à la Kellogg School of Management, ce qui l’amène en Chine au début des années 2010. Le cybercommerce est déjà bien implanté là-bas, et le jeune Rosen se dit que le phénomène arrivera bien au Canada un jour. « J’avais l’impression de voir le futur. »

Mais je ne voulais pas être conseiller en gestion toute ma vie. Je me suis dit que je devais trouver une entreprise de mode qui voulait améliorer sa position en ligne…

Ian Rosen

Vice-président au contenu numérique et aux stratégies

Harry Rosen

Diplômé de maîtrise en administration des affaires, Ian Rosen travaille durant 2 ans à Chicago comme conseiller en gestion. Après quelques projets dans le secteur minier, il a une révélation : « Ce domaine m’ennuie. Je le maîtrise, mais je ne l’aime pas. » On lui assigne alors son premier mandat de gestion de produits de consommation, qui demande plus de créativité. « Après, je ne voulais faire que des projets qui m’allumaient. » La mode lui plaît particulièrement. « Mais je ne voulais pas être conseiller en gestion toute ma vie. Je me suis dit que je devais trouver une entreprise de mode qui voulait améliorer sa position en ligne… » Il éclate de rire. Mais où pourrait-il bien trouver ce détaillant visionnaire?

Des magasins physiques à la toile

En 1954, Harry Rosen ouvre une petite boutique de sur-mesure pour homme à Toronto. Sept autres adresses s’ajouteront sur 30 ans, d’abord à Toronto, puis à Vancouver, Ottawa, Montréal, Calgary et Winnipeg. L’entreprise familiale se fait connaître pour ses collections exclusives, ses tissus de haute qualité et son service personnalisé. À ce jour, elle compte 17 boutiques et emploie plus d’un millier de personnes au pays.

Elle lance son premier site Web en 2009, « même si plusieurs disaient à mon père que ce n’était qu’une tendance passagère », raconte Ian Rosen. Malgré tout, son père va de l’avant. « Nous avons passé la dernière décennie à apprendre l’art de gérer un commerce en ligne. » Ian Rosen revient dans le giron familial en 2018. « Ça nous a poussés à revoir notre stratégie pour investir dans le numérique plutôt que les magasins physiques », explique-t-il. L’idée est vite acceptée, car le père et le grand-père n’ont pas peur du changement. « Si ça fait 66 ans qu’on existe, ce n’est pas un hasard. On a su s’adapter. Et l’heure de la transformation numérique est arrivée. »

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Surfer sur les tendances de la mode

De nos jours, l’habit ne fait plus le moine. On peut pointer du doigt l’esthétique de Silicon Valley, où confort et désinvolture prévalent, le vendredi jeans, la tenue de bureau décontractée… Autant de raisons qui ont amené les hommes à délaisser la cravate et le trois-pièces. Quoi qu’il en soit, le relâchement des codes vestimentaires a transformé les activités et la clientèle de Harry Rosen. Il a fallu faire comprendre au personnel ce qu’est la tenue professionnelle d’aujourd’hui. « Il y avait des barrières à faire tomber, des choses qui nous tenaient trop à cœur. » Un exemple? « Le tee-shirt se porte bel et bien sous un blazer maintenant, mais il faut savoir le choisir. »

Harry Rosen est une autorité établie dans le monde du sur-mesure. « À présent, on veut consolider notre position comme référence en mode masculine, bien au-delà des complets. Nos clients les plus fidèles veulent des tenues du dimanche, des vestons sport, des tricots… C’est plus stimulant, mais aussi plus exigeant. »

Sans compter que les préférences changent aussi sur le plan de l’expérience de magasinage.

Conquérir le monde numérique pour dépasser les attentes

Peu après son arrivée, Ian Rosen appuie l’embauche d’une chef du marketing pour favoriser la vente en ligne. Il engage aussi des développeurs logiciel, des analystes, des spécialistes du marketing et des experts de la fidélisation. « Des gens qui connaissent le monde du numérique et peuvent nous aider à le conquérir », résume-t-il.

Nos conseillers sont en faveur du virage numérique, qu’ils voient comme une occasion d’enrichir leur relation avec les clients.

Ian Rosen

La clé du succès : l’adhésion des 450 conseillers en boutique. Qu’ils fassent leurs ventes en ligne ou hors ligne, Harry Rosen leur a toujours offert le même traitement pour éviter la concurrence entre les 2 sphères. « Nos conseillers sont en faveur du virage numérique, qu’ils voient comme une occasion d’enrichir leur relation avec les clients. »

Cette transformation entraîne aussi des changements opérationnels. « On a bien vu que lorsqu’un client reçoit sa commande en 2 envois distincts sans en avoir été averti, il est contrarié. » Même chose quand on ne le prévient pas d’un retard de livraison. « La qualité des vêtements, ce n’est plus suffisant. »

Pour répondre aux attentes changeantes de la clientèle, l’entreprise embauche un nouveau directeur de la logistique ayant acquis son expérience auprès de Walmart et de Sport Chek, 2 grands détaillants habitués de déplacer d’énormes quantités d’articles. « Pour exécuter efficacement les commandes, ça prend le bon système. On n’a jamais eu à se soucier de l’efficacité de nos méthodes, mais maintenant, nos clients nous comparent aux Amazon de ce monde. »

Surmonter les défis liés à la COVID-19

Avant la COVID-19, les ventes à partir du site Web représentaient 7 ou 8 % du chiffre d’affaires de Harry Rosen. Ce chiffre est passé à 40 % dans la première moitié de l’année, vu un nombre de visites en ligne « digne du Vendredi fou ».

En mars 2020, l’entreprise prévoyait une refonte de sa plateforme Web d’ici la fin de l’année. Mais étant donné le bond des achats en ligne suscité par la COVID-19, le temps a pressé. « Ce serait fou de penser faire en 6 mois une refonte complète, comprenant tous les systèmes d’arrière-guichet, dont le système de gestion des commandes. » Mais on a pris les grands moyens, et le nouveau site Web est aujourd’hui en service. Ian Rosen en aura bien besoin pour atteindre sa cible 2020 : une hausse de 350 % des ventes numériques, rien de moins. Le site Web « sera presque notre plus grand magasin », illustre-t-il.

Une nouvelle technologie au service des relations avec les clients

Quand Harry Rosen et son frère Lou ont ouvert leur boutique dans un quartier peu en vogue de Toronto, les visites se faisaient sur rendez-vous. Ils avaient donc le temps d’étaler des morceaux sur une table avant l’arrivée du client, ce qu’ils nommaient la « mise en place ».

La règle d’or : présenter une pièce maîtresse, des accessoires pour la mettre en valeur et des options par groupe de 3. « Il faut repousser légèrement les limites du client. On ne se contente pas de lui montrer ce qu’il demande », ajoute Ian Rosen.

Le but est d’éviter au client d’avoir à éplucher tout le site Web. Le gros du travail est déjà fait.

Ian Rosen

La pratique est aujourd’hui modernisée grâce à l’appli Herringbone. Introduite à l’été 2019, elle donne aux conseillers l’accès en temps réel aux stocks et aux dossiers clients. Grâce à celle-ci, le conseiller crée des ensembles personnalisés composés de morceaux disponibles en ligne que le client peut acheter en quelques clics. « Le but est d’éviter au client d’avoir à éplucher tout le site Web. Le gros du travail est déjà fait. » Le conseiller peut aussi créer un profil client; à la visite suivante, il pourra alors faire ses suggestions en fonction des tailles et des préférences qu’il connaît déjà.

« Le message qu’envoie la mise en place, en personne comme le faisait mon grand-père ou virtuellement comme le font nos conseillers, c’est : Cette relation entre vous et moi m’intéresse. »

Les tendances feront leur temps, mais la technologie aidera la marque Harry Rosen – et la mise en place – à perdurer. « C’est le plus bel héritage que je puisse imaginer », conclut Ian Rosen, souriant.

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