Les mocassins que Jamie Gentry façonne à la main sont plus qu’un produit – ils sont une façon de tisser des liens. L’artiste utilise sa plateforme pour faire le récit de ses expériences, mettre de l’avant le travail d’autres créateurs et sensibiliser les gens à l’appropriation culturelle. Finaliste dans la catégorie Solidarité et entraide du concours Les belles histoires de petites entreprises de 2020, Jamie Gentry explique en quoi consiste son art et comment Jamie Gentry Designs (site en anglais seulement) a vu le jour.
Qu’est-ce qui a inspiré votre petite entreprise?
Je viens de la nation Kwakwaka’wakw et j’ai eu la chance de grandir immergée dans la culture et d’être entourée d’artistes talentueux. Je suis attirée par les arts, la musique et la danse depuis toujours, mais surtout par l’artisanat, qu’il s’agisse de couture, de perlage ou de tissage.
J’ai appris comment fabriquer des mocassins il y a environ 6 ans. J’ai eu la chance de participer à un atelier offert au sein de la communauté et mon projet a pris son envol par la suite.
Je suis mère au foyer de 3 enfants et je cherchais un moyen de contribuer financièrement à notre famille. Au début, je fabriquais des courtepointes et des vêtements pour enfants faits à partir de matériaux de récupération, mais quand j’ai commencé à créer des mocassins, je ne pouvais plus m’arrêter. Je n’avais jamais pensé que je pourrais gagner ma vie grâce à ça.
En grandissant, je n’ai pas vu d’artistes ou d’entrepreneurs autochtones prospérer et vivre de leur passion. Je suis vraiment reconnaissante et j’espère que mon parcours va inspirer d’autres Autochtones à écouter leur cœur, à suivre leur passion et à se dire qu’eux aussi peuvent y arriver.
Vous voulez en savoir plus sur les mocassins faits à la main par Jamie Gentry et voir ses créations?
Visiter le site Web (site en anglais seulement)Parlez-nous des produits que vous créez.
Je fabrique des mocassins traditionnels faits sur mesure pour la vie moderne. Je pense style, confort, durabilité et développement durable avant tout. Chaque paire est coupée, perlée, cousue et sculptée à la main, mais surtout faite avec beaucoup d’amour. Je ne coupe pas mes peaux tant que je ne sais pas à qui appartiendront les mocassins. Chaque paire est le résultat d’intentions réfléchies et précises. Je mets mon cœur dans toutes mes créations.
Mon objectif est de créer des liens significatifs par la fabrication de mocassins. Quand un consommateur tisse un lien avec un artisan et son produit, il est plus susceptible de chérir ce produit et de le conserver.
Comment votre passion pour l’art autochtone est-elle devenue une entreprise en ligne?
Quand j’ai commencé à fabriquer des mocassins, j’ai été acceptée comme artiste de Storyboots, un projet de Manitobah Mukluks. J’envoyais mes créations à l’entreprise, puis l’équipe là-bas les photographiait, les mettait en ligne, en faisait la promotion et les vendait pour moi. Tous les profits des ventes me revenaient. Le raisonnement derrière cette initiative reflète une valeur importante pour notre peuple : le partage des richesses. Ça fait partie de notre culture.
À l’origine, les gens pouvaient me commander directement des mocassins en remplissant un formulaire sur mon site Web. Ils me trouvaient sur les médias sociaux et savaient ce qu’ils voulaient. Mais mon bon de commande avait beaucoup de lacunes. Il n’y avait pas de photos, alors il y avait parfois des malentendus par rapport à ce que les clients voulaient réellement. Ils pouvaient apporter des changements à leurs commandes et j’avais du mal à m’y retrouver, car ils m’envoyaient souvent des messages sur Instagram au lieu de m’envoyer des courriels. Ça devenait trop prenant, alors j’ai récemment décidé de lancer une boutique en ligne sur mon site Web.
J’y offre des mocassins sans perles ni gaufrage. Les options sont donc un peu plus limitées le temps que je trouve mon rythme et que j’ajoute différents modèles et couleurs. Ce n’est que le début, ça va être un projet de longue haleine. C’est beaucoup de travail, et c’est une leçon d’humilité.
Quels défis avez-vous rencontrés lorsque vous avez lancé votre petite entreprise?
Maîtriser le côté affaires a été tout un défi. En plus de fabriquer mes produits, je dois en faire la promotion, les vendre, les emballer, les expédier. Je m’occupe de tout, toute seule, et j’avais beaucoup de choses à apprendre.
J’ai reçu de l’aide pour mon site Web, mais autrement, je suis introvertie. J’ai toujours essayé de me faire la plus discrète possible, alors j’ai dû sortir de ma zone de confort pour promouvoir mon art et me mettre de l’avant.
Vous avez été finaliste dans la catégorie Solidarité et entraide du concours Les belles histoires de petites entreprises de 2020. En quoi ces valeurs sous-tendent-elles votre travail?
On vit dans une société où le rythme est effréné et où les gens veulent tout, tout de suite. Ce que je veux, c’est leur rappeler de ralentir, de profiter de ce que la vie leur apporte et de réfléchir à leur consommation, plus particulièrement qui ils encouragent quand ils font des achats.
Sur le marché, il y a une tonne de produits d’inspiration autochtone ou que les commerçants s’approprient de notre culture. Ça contribue à déshumaniser ce qu’on fait. Ces produits ne sont rien d’autre que de jolis accessoires. Ils n’ont aucune signification. Je veux susciter une prise de conscience et créer des liens de sorte que nos cultures soient valorisées et respectées.
J’utilise ma plateforme pour éduquer les gens et mettre en valeur d’autres artistes. Je veux montrer leur travail pour inciter les consommateurs à acheter des produits fabriqués par des autochtones plutôt que des produits d’inspiration autochtone. Le fait d’acheter des créations authentiques est bénéfique pour notre communauté, favorise les liens culturels et limite l’appropriation.
Grâce à ma plateforme en ligne, je peux partager des ressources éducatives et sensibiliser les gens aux droits, à l’histoire, à l’art et à la vie des Autochtones. Je fais pareil sur mes réseaux sociaux, en plus de parler d’organisations où donner pour appuyer des mouvements sociaux. Avant la pandémie, ça a déclenché bien des réactions négatives chez des personnes qui pensaient que je n’étais qu’une autre Autochtone qui demandait la charité ou qu’il fallait que j’en revienne [de l’appropriation culturelle]. Mais aujourd’hui, les gens me remercient pour les ressources que je partage.
Beaucoup de monde cherche à apprendre et à comprendre présentement, et je veux faire tout mon possible pour les aider afin qu’on puisse guérir. Pour que notre peuple soit enfin valorisé et respecté.
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